Marseille 73

Manotti, Dominique
Policier & Thriller
Paris : Les Arènes, 2020, 450 pages, 20 € (Collection Equinox)

🙂 🙂 🙂 Marseille la sombre

La France connaît une série d’assassinats ciblés sur des Arabes, surtout des Algériens. On les tire à vue, on leur fracasse le crâne. En six mois, plus de cinquante d’entre eux sont abattus, dont une vingtaine à Marseille, épicentre du terrorisme raciste.
Onze ans après la fin de la guerre d’Algérie, les nervis de l’OAS ont été amnistiés, beaucoup sont intégrés dans l’appareil d’État et dans la police, le Front national vient à peine d’éclore. Des revanchards appellent à plastiquer les mosquées, les bistrots, les commerces arabes. (résumé de l’éditeur)
« Les sorcières de Grasse. Quelque chose de grave est en train de naître, qui porte un nom : le racisme. » (Citation de L’Express, p. 9)
Ce roman policier à l’ambiance très noire nous transporte dans les quartiers de Marseille à l’aube des années 70. La guerre d’Algérie semble n’être qu’un lointain souvenir mais ses répercussions se poursuivent dans le sud de la France. À Marseille, l’été 73 fut marqué par les assassinats racistes ciblant particulièrement les Algériens. Les enquêtes bâclées pour classer les affaires sans suite, les policiers et magistrats corrompus complètent le tableau de ce pan sombre de l’histoire française.
Dominique Manotti choisit ce contexte historique véridique pour asseoir son intrigue, dénonçant tout au long du récit les situations aberrantes et d’une violence terrifiante envers une partie de la population. Le commissaire Daquin, récemment nommé à Marseille, est chargé d’aider la police de Toulon à enquêter sur une association de défense des français repliés d’Algérie, l’UFRA, aux méthodes aussi illégales que violentes. Cette première trame se mêlera inévitablement aux enquêtes liées aux massacres d’Algériens mais aussi, de manière tentaculaire à la corruption qui émaille la police et la magistrature marseillaise. Il est également responsable de l’enquête sur le meurtre d’un jeune Algérien de 16 ans, abattuen pleine rue. La famille de la victime, soutenue par plusieurs personnalités qui dénoncent l’acharnement envers les Algériens de France, remue ciel et terre pour faire valoir ses droits à une enquête honnête. Cette association prendra de l’ampleur et lancera de grands mouvements de grève des travailleurs arabes dans plusieurs entreprises françaises, attisant un peu plus la haine raciale dans les rues marseillaises.

Sans sentimalisme

L’ambiance noire, lourde et frustrante est terriblement réussie. Le lecteur se sent démuni face à tant d‘injustice et ne peut que s’insurger face à la vague de racisme qui prend de plus en plus d’ampleur. L’impact du contexte historique est d’autant plus percutant que l’auteure émaille son livre de coupures de presse d’époque (Le Quotidien de Marseille, Paris Match, Le Nouvel Observateur) titrant scandaleusement « Peut-on vivre avec les Arabes ? Non », « Manifestation de protestation contre l’immigration sauvage », « Les Bicots sont-ils dangereux ? Oui, plutôt ».
Il est parfois difficile de s’y retrouver tant le nombre de personnages est important ainsi que les différents groupuscules qui traversent le récit.  Si le récit est parfois brouillon, l’intrigue est bien maîtrisée et le livre est prenant.
En conclusion, c’est un polar qui, avec intelligence et sans sentimentalisme, met en lumière une période sombre de la société française.
Aurélie Scholl

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