En 2012, après avoir commis un méfait, trois jeunes délinquants se réfugient dans une vieille boutique abandonnée pour s’y cacher jusqu’au lendemain. Dans le courant de la nuit, quelqu’un glisse une lettre par la fente du rideau métallique. Lorsqu’ils l’ouvrent, les trois compères découvrent qu’elle contient une requête adressée à l’ancien propriétaire, qui s’était taillé une petite notoriété dans le quartier en prodiguant des conseils de toutes sortes à ceux qui lui écrivaient. Mais la lettre a été écrite… trente-deux ans auparavant. Ils décident de répondre à cette mystérieuse demande de conseil et déposent leur missive dans la boîte à lait à l’arrière de la boutique, comme l’ancien tenancier avait coutume de le faire. Aussitôt, une nouvelle lettre tombe par la fente du rideau métallique, elle aussi venue du passé… L’espace d’une nuit, d’un voyage dans le temps, les trois garçons vont infléchir le cours de plusieurs destinées, sans se douter qu’ils vont peut-être aussi bouleverser la leur (présentation de l’éditeur).
Escale japonaise
Depuis quelques années, la collection Exofictions est l’occasion pour Actes Sud de s’inviter dans les littératures de l’imaginaire. Bien que largement dominée par la science-fiction, la collection s’ouvre régulièrement à d’autres genres: la fantasy depuis peu (avec Sandremonde de Jean-Luc Deparis publié récemment et critiqué sur ce site), mais également le fantastique. C’est à ce genre que nous avons affaire avec cette publication du célèbre auteur japonais Keigo Higashino. Bien connu des amateurs de polars (publiés d’ailleurs chez le même éditeur), il propose dans Les Miracles du bazar Namiya un conte fantastique doux et humaniste.
Un roman aux multiples intrigues
Le récit est composé de cinq histoires distinctes présentées comme autant de dilemmes soumis aux personnes présentes dans ce mystérieux bazar. Connu pour la qualité de ses intrigues, l’auteur japonais fait une fois de plus preuve d’une grande maîtrise dans la construction de son roman. Car ces différentes histoires, bien que séparées en apparence, vont au fil du récit se lier et former un ensemble plus intriqué qu’il ne pouvait sembler au premier abord. Attaché aux subtilités des sentiments humains, l’auteur en explore ainsi différentes facettes toujours sur le mode du choix cornélien : dois-je choisir entre ma carrière et mon amour ? Dois-je vivre mon rêve ou respecter les traditions et les attentes familiales ? Etc. Autant de situations qui trouveront, par la médiation du fantastique, un espace romanesque pour se développer minutieusement et subtilement.
Un fantastique léger
Car l’élément fantastique est ici plus un artifice au service des enjeux psychologiques et sociétaux développés qu’une véritable finalité. Proche du réalisme magique cher aux auteurs latino-américains ou de ce que l’on peut trouver dans certains romans d’Aruki Murakami , le roman risque de désarçonner l’amateur du fantastique horrifique que l’on associe souvent aux productions nipponnes. Il ravira par contre les lecteurs de romans psychologiques mais aussi ceux qui s’intéressent au Japon, tant ce voyage temporel est également l’occasion de brosser un portrait des quarante dernières années de ce pays bouleversé par une course effrénée à la modernité.
Belle surprise
Loin de la noirceur des polars, Keigo Higashino propose, avec Les Miracles du bazar Namiya, une fable moderne teintée de fantastique, un récit psychologique subtil et d’une approche résolument optimiste. Seul bémol, l’écriture simple voire simpliste de l’auteur qui, si elle semble tout au service de son récit, ne manquera pour autant pas de décevoir les lecteurs plus exigeants.