Jones, Stephen Graham ; traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Fabienne Duvigneau
Policier & Thriller
Paris : Rivages, 2023, 475 pages, 24 €
🙁 Slasher, mon amour
Proofrock, Idaho. Une petite ville au bord d’un grand lac. À l’autre bout de ce lac, baptisé Indian Lake, se bâtit progressivement un nouveau quartier, Terra Nova, réservé à une élite richissime venue de villes où il ne fait plus bon vivre. Les indigènes de Proofrock voient pour la plupart d’un mauvais œil ces nouvelles maisons tape-à-l’œil et barricadées, d’autant plus qu’elles s’élèvent sur des terres indiennes jusqu’à présent interdites de toute construction. Parmi ces opposants, Mr Holmes, le prof d’histoire d’Henderson Hawk, l’école supérieure de la ville. L’une des élèves de Mr Holmes se nomme Jade Daniels, une ado d’origine indienne, un peu marginale, sans ami et, si pas battue par son père, en tous cas largement ignorée par lui. Il y a longtemps que Jade a trouvé son refuge à elle : les Slasher movie, ces films mettant en scène des tueurs en série nommés Freddy Krueger ou Jason Voorhees, tueur dont ne vient jamais à bout qu’une fille, la « fille finale ». Jade se verrait bien en fille finale, mais lorsqu’elle voit arriver dans sa classe la superbe Letha Mondragon et que d’étranges meurtres se produisent en ville, elle comprend que son rêve le plus cher est en train de se réaliser : un slasher se déroule à Proofrock, slasher dont Letha jouera indubitablement le rôle de fille finale.
Une intrigue ultra-référencée
Né en 1972, Stephen Graham Jones est un auteur américain d’origine indienne. Révélé en langue française avec « Un bon indien est un indien mort » en 2021, il revient cette année avec ce thriller à tendance horrifique pour lequel il a déjà récolté des prix loin d’être insignifiants aux States (Le Bram-Stoker et le Shirley-Jackson). Dans « Mon cœur est une tronçonneuse », c’est le personnage de Jade Daniels qui recueille toute l’attention. C’est principalement par ses yeux que nous suivons le cheminement de l’intrigue, que nous faisons connaissance avec les personnages et établissons les liens entre eux. Et, puisque Jade est obnubilée par les slasher movie, que ces derniers constituent quasiment la seule clé de lecture du monde dans lequel elle vit, son refuge permanent, elle parsème le récit de références à ceux-ci. Pour ne pas dire qu’elle le noie. Les références à ce genre cinématographique se révèlent effectivement permanentes et, couplées avec le style très elliptique de l’auteur, elles conduisent le lecteur vers des blocs entiers de texte dont la lecture se révèle laborieuse et dont la régularité avec laquelle ils se re-présentent dans le récit finit par lasser. C’est d’autant plus dommage que, lorsque Graham Jones donne un coup d’accélérateur, on se sent comme collé à son siège tant son style se fait soudain évocateur et percutant. Avouons-le, malgré le personnage attachant de Jade, Graham Jones, en roue libre dans son style trop verbeux et son intrigue ultra-référencée nous a perdus. Sans doute ne sera-ce pas le cas de tout le monde.