Meuleman, Sarah ; traduit du néerlandais (Belgique) par Isabelle Rosselin
Policier & Thriller
Paris : Gallimard, 2024, 300 pages, 25 €
🙂 🙂 🙂 🙂 Huis-clos
Aimée et Margot sont sœurs mais surtout les filles du célèbre écrivain flamand, Saul Mertens.
Alors qu’elles essayent, chacune de leur côté, de composer leur vie, un scandale se profile à l’horizon.
La sombre histoire de la disparition de Daphné quelques années auparavant ressurgit des ténèbres de la mémoire enfouie après l’accident de voiture dont elles ont été victimes avec leur père.
Ombre menaçante ?
Certes, Saul Mertens est un homme froid, distant, autoritaire et peu affectueux. La seule chose qui l’importe est sa célébrité, les femmes, l’alcool et les soirées mondaines dans cette belle villa Krekelhof, à Bruges.
Mais, qu’en est-il réellement de cet homme ?
Qu’a-t-il fait de Daphné, cette jeune autrice en devenir et maîtresse de surcroit ?
Que s’est-il passé lors de l’accident de voiture après cette soirée de dédicace dans cette somptueuse villa à Bruges ? Il conduisait, il était ivre, ses filles étaient avec lui mais Daphné, était-elle aussi dans la voiture ?
Et Max, son manager et ami de toujours ? Que cache-t-il ? Lui qui est présent en toute circonstance pour sauver toutes les apparences. Que penser de lui ?
Peut-on leur faire confiance ?
Gémellité ?
Margot, l’aînée, devenue urgentologue, se retrouve contrainte de suivre un programme de désintoxication sans aucun contact avec l’extérieur. Alors qu’elle résiste à parler d’elle avec son ‘traitant’, comme elle aime à l’appeler, elle finit par comprendre que pour pouvoir poursuivre sa vie, elle devra se livrer. C’est ce qu’elle finit par faire un peu à la fois, fouillant dans les méandres de sa mémoire, livrant des secrets de famille bien gardés, inavouables et aussi ce pacte effectué avec son père à ses 16 ans…
Aimée, elle, a quitté sa famille 15 ans auparavant et vit à Amsterdam. Trop empreinte de douleur, elle s’est réfugiée dans les réseaux sociaux, influenceuse avec des millions defollowers qu’elle n’a de cesse de faire augmenter lorsqu’elle décide de revenir auprès de son père, à Damme, et de faire exploser la vérité. Mais, quelle vérité ? La vérité, c’est du mastic, Aimée. Du mastic pour boucher les fissures. P. 261
Quoi qu’il en soit, dans ce jeu de miroir où chacune tente d’avancer, leur complicité d’antan s’estompe petit à petit et le doute s’installe pour Aimée, contrairement à Margot qui est convaincue de l’innocence de son père. L’écart se creuse entre les deux sœurs et Saul reste cloîtré dans sa ferme. Qu’attend-il pour réagir ? Pourquoi ne le fait-il pas ?
Ici, je suis la fille de l’écrivain, mais qu’est-il pour moi ? Est-on autorisée à douter en tant que fille, à se demander si son père serait capable du pire ? Peut-on soupçonner celui qui vous a mise au monde ? Margot estime que non, je vois les choses autrement. Nous sommes différentes. Le plus et le moins. Le noir et le blanc. Autrefois, nous nous complétions, mais maintenant nous nous opposons. P. 124
Un roman d’une grande profondeur que nous propose ici l’autrice, Sarah Meuleman, écrivaine, journaliste et scénariste dont c’est le premier roman traduit en français et espérons-le, pas le dernier.
A travers ce somptueux jeu de miroir entre les deux sœurs, entre passé et présent, entre les méandres de la mémoire enfouie ou défectueuse, entre la famille et ce qu’elle peut contenir de secrets pour de bonnes ou de mauvaises raisons, c’est dans un voyage vertigineux que nous emmène l’autrice.
Un roman, tel un parchemin qui se déroule tranquillement et qui se consomme d’abord avecmodérationpour se consumer ensuite en toute subtilité, inexorablement, vers la vérité, crue, douloureuse, rédemptrice peut-être aussi …