Paris : Gallimard, 2022, 461 pages, 20 € (Série noire)
🙂 🙂 Le sauveur de l'humanité
Les œuvres de fiction traitant, de près ou de loin, de l’effondrement présumé de nos sociétés, ou, plus précisément, des conséquences du réchauffement climatique, occupent de plus en plus de place. En voici une nouvelle, dans la Série noire cette fois, et due à la plume d’un auteur…qui ne sort finalement pas de ce qu’il connaît bien, d’un sujet qu’il a déjà traité dans ses œuvres précédentes : la politique et le pouvoir, comment on les exerce et les excès auxquels ils conduisent.
Ancien gourou de l’écologie
Plus de deux ans après avoir élu Pierre Savidan à la présidence, les Français commencent seulement à se rendre compte de la détermination du personnage. Ancien gourou de l’écologie, Savidan a, en quelques années, mis en place plusieurs mécanismes sensés limiter l’impact de la vie humaine sur l’environnement. Adoption et généralisation progressive d’un scoring écologique individuel (un cote que chaque Français reçoit et qui varie selon ce qu’il achète, mange ou boit : quand un certain seuil est atteint, les taxes tombent et elles sont colossales), limitation des naissances et création de centres de rééducation dans lesquels le droit ne semble plus avoir cours, telles sont quelques-unes de mesures portées par Savidan. Si, jusqu’ici, ces mécanismes ont toujours été installés dans le respect de la légalité, il semble que, pressé par le temps, Savidan ait décidé de plus trop s’embarrasser des principes républicains. La tolérance du pouvoir envers les attitudes écologistes extrémistes -ces groupes d’enragés qui siègent devant certaines maternités et poussent certaines jeunes mères au suicide ou qui recourent à la violence pour empêcher certains avions de décoller- et la précipitation pour faire adopter de nouvelles mesures (limiter la consommation de viande du pays par exemple) commencent à alerter les plus hauts représentants de l’état.
Un roman qui nage contre le courant dominant
Après sa trilogie « Les initiés – En pays conquis – La meute », Thomas Bronnec s’attaque à l’extrémisme politique : quand ceux qui sont au pouvoir croient qu’ils peuvent -sous prétexte d’être persuadés d’incarner la Vérité- bafouer les règles démocratiques et imposer leur loi. C’est classique : Savidan, comme tant d’autres avant lui, pense agir pour le bien du plus grand nombre. En imposant des nouveaux modes de vie qui se révèlent de plus en plus mortifères, il est convaincu que, s’il est haï par son peuple, l’histoire retiendra de lui l’image du sauveur de l’humanité -rien de moins. Dans ce roman de pas loin de 500 pages, Bronnec met de nombreux personnages en scène, incarnant chacun un type d’attitude face aux excès de Savidan et face à l’indubitable réchauffement climatique. On passe de l’âme noire de Savidan qui n’hésite pas à recourir aux méthodes les plus extrêmes, aux collaborateurs de la première heure qui se rendent compte des dérives et qui, soit s’enfuient soit démissionnent, soit encore, tentent de renverser la vapeur au risque de leur vie. Au milieu, quelques « petites gens » qui tentent vaille que vaille de prendre position et de mener une vie qui en vaille la peine. Avec ses très (trop ?) nombreux personnages et son intrigue qui aurait mérité un petit resserrement, « Collapsus » fait néanmoins mouche et, surtout, il porte l’immense mérite de nager courageusement contre le courant dominant. En pointant les conséquences effrayantes des dérives de certains courants écologistes (bourrage de crâne, restrictions drastiques des libertés individuelles, autoritarisme, retour à des modes de vie archaïques, remise en cause constantes des progrès de l’humanité), il montre à quoi ils conduisent : la perte de toute saveur de l’existence humaine. Un cri d’alarme qui ne plaira pas à tout le monde, qui pose des questions, engage à la réflexion, ça fait toujours du bien.