Boyle, T.C. ; traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Bernard Turle
Science-fiction
Paris : Grasset, 2021, 219 pages, 20.90 €
🙂 🙂 🙂 Contes d’anticipation
Un couple qui programme son futur bébé, une machine à revivre qui plonge l’utilisateur dans ses souvenirs heureux ou douloureux, une invasion de fourmis argentines et des chiens, beaucoup de chiens. Certains modifiés génétiquement, d’autres piliers d’une vie, qu’ils ont préservé alors que tout semblait perdu, …
Ces sept nouvelles relatent un épisode décisif dans une vie de couple, débutant, survivant ou finissant. De douces uchronies, noires et tendres à la fois.
L’amour à l’heure du virtuel
Ne vous y trompez pas : « Histoires de couples » n’a rien de sentimental. C’est Tom Coraghessan Boyle qui est aux commandes. L’écrivain rebelle a consacré son mordant à sept histoires relatant la perte de sens dans la relation à deux (homme-femme, mais aussi père-fille). La magie de la rencontre, de l’incertitude, du pari sur l’avenir, les moments de complicité partagés, …tout ce qui fait le sel de nos vies amoureuses est souvent révolu dans ce recueil d’anticipation.
La faute à qui ? Au virtuel qui pervertit la vie réelle, à une société qui se veut trop parfaite et standardisée grâce au potentiel des nouvelles technologies, censées nous faciliter la vie et nous procurer du bien-être. Le dérèglement climatique rapproche ou éloigne également couples et familles.
Anticipatrices, les nouvelles de Boyle ?
Le genre littéraire de la nouvelle est familier à l’auteur américain. Il a vu paraître de courts récits dans Esquire, The New-Yorker, Harper’s Magazine. Rien que ça. « Histoires de couples » rassemble des nouvelles écrites à des périodes et pour des magazines différents. Leur tonalité est variée : « La fourmi argentine » est la plus orwellienne, « La Box à revivre » est la plus proche de Black Mirror, « Surtsey » est la plus lumineuse, alors que les ténèbres et le chaos habitent le récit.
Ces nouvelles qui narrent la déliquescence de nos relations humaines et amoureuses tiennent plus du conte cruelque de la satire sociale. Le propos de l’auteur n’est ni désabusé ni moralisateur. Boyle s’est visiblement amusé à l’écriture de ces nouvelles calibrées sur une trentaine de pages. Elles brassent des thèmes chers à l’auteur, dont la démesure (et ses dérives) et l’environnement. Quant à l’omniprésence canine dans ce recueil, T.C. Boyle possède un chien, dont il poste régulièrement des photos sur Twitter.
Les nouvelles de Boyle séduisent par leur évocation d’une société déviante. Le personnage principal en est un témoin ébahi, un peu en marge de ces nouvelles pratiques et donnes. Soit un observateur idéal pour impliquer le lecteur. T.C. Boyle clôt ses récits courts par une note non pas d’espoir ou une quelconque solution, mais par un moment suspendu, où la beauté prend le pas sur l’absurde ou une réalité hallucinée.
Du grand art, de la part d’un grand écrivain.