Gray, Philip; traduit de l’anglais par Elodie Leplat
Policier & Thriller
Paris : Sonatine, 2025, 624 pages, 23.90 €

🙂 🙂 🙂 Fausse monnaie au plat pays

Bruxelles, début 1952. Le cadavre d’un veilleur de nuit est retrouvé dans un des entrepôts calcinés du Bureau National de l’Imprimerie. Il semble bien que rien n’ait été dérobé dans les bureaux de cet organisme officiel chargé de concevoir -notamment- les trames des billets de la Banque Nationale. Envoyé sur place, le Commandant De Smet ne perçoit lui non plus pas les raisons de l’incendie : un cambriolage ayant mal tourné ?
Un an plus tard, De Smedt est appelé au siège officiel de la Banque Bruxelles Lambert. Là, un responsable qu’il connaît bien lui montre un billet de 500 francs récemment repéré à Tournai. Le billet, bien que d’une qualité d’impression remarquable, s’est révélé être un faux. Pour De Smet, c’est le début de sa plus longue enquête, l’affaire d’une vie.
Parallèlement, nous suivons l’enfance d’une jeune fille, Adélaïs De Wolf, la fille d’un horloger gantois et d’une mère extrêmement pieuse. La particularité d’Adélaïs, c’est un léger handicap, une jambe plus faible que l’autre et qui l’oblige à marcher avec une canne. Si ses parents semblent ternes et peu ambitieux, ce n’est pas le cas du frère de sa mère, oncle Cornélis qui lui, pousse Adélaïs à dépasser sa condition, à prendre des risques et à vivre pleinement sa vie.

Un personnage lumineux

Un polar aux ambiances de plat pays, écrit par un auteur anglais déjà distingué pour son premier roman (« Comme si nous étions des fantômes », même éditeur, 2023), un polar tout en ambiances feutrées, loin des effets de manche et des coulées sanglantes trop habituelles du genre ? Avouez qu’il y avait de quoi titiller la curiosité du seul webzine belge des littératures d’évasion ! Et bien nous en prit car point déçus nous ne fûmes. Les deux trajectoires, celle de De Smet et celle d’Adélaïs, finiront bien sûr par se rejoindre mais il faudra du temps -quasiment 10 ans, le temps de l’enquête de De Smet, un homme tenace et maladivement obnubilé, dont le caractère torturé ne dévoilera ses réelles fondations que très tardivement. De Smet ne compte pas lâcher, alors même que les effets négatifs de la diffusion de fausse monnaie se révèlent minimes : « Il nous faut redoubler d’effort, des crimes ont été commis » assène-t-il à son unique collaborateur après de longs mois d’enquête infructueuse. Si le policier s’enfonce dans la solitude d’une tâche dont lui seul voit l’importance, Adélaïs sort de l’enfance et gagne l’âge adulte avec une certaine assurance et ce, malgré les nombreux coups du sort qu’elle doit affronter. Le quotidien des « petites gens » dans l’après-guerre n’est guère aisé, son père n’a que peu de travail et se réfugie dans l’alcool, tandis que sa mère les délaisse pour se consacrer entièrement à sa foi. S’appuyant sur l’amitié de quelques proches et sur une appétence au travail motivée par l’envie de s’en sortir, Adélaïs s’impose comme un personnage lumineux, volontaire, capable de s’égarer aussi, mais raisonnable dans sa petite folie personnelle. En regard de celle résolument plus sombre du policier, sa trajectoire se lit comme une leçon de positivisme, même si sa morale recèle quelques points troubles. De fausses pistes en a-priori lentement éventés sur les personnages, Philip Gray arrive, de sa plume sensible, à ménager force suspense et retournements de situations à même de tromper et de captiver son lecteur, tout un ménageant avec réalisme le cadre des années ’50.
Et la maison donc ? Et les neuf serrures ? Vous savez ce qu’il vous reste à faire pour le savoir.
Nicolas Fanuel

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