McFadden, Freida; traduit de l’anglais par Karine Forestier
Policier & Thriller
Paris : J’ai Lu, 2025, 416 pages, 8,60 €

🙁 Sous le divan

Auréolée du succès faramineux de sa trilogie consacrée à « La Femme de ménage », Freida McFadden fait le bonheur des éditeurs du monde entier. Elle poursuit une œuvre, comme une mécanique bien rôdée, dont chaque production revêt les atours d’une poule aux œufs d’or.
Vous pouvez trouver dans vos librairies préférées son dernier opus « La Prof », tandis que son précédent, « La Psy » vient s’ajouter au catalogue des éditions J’ai lu. Bien entendu, l’engouement de centaines de milliers de lecteurs pour cette auteure encore relativement inconnue il y a peu a titillé ma curiosité. Je me suis donc prêté à la lecture de ce titre. Le voyage a été, comment dire, controversé.

Le jeu du plus fou

Tricia et Ethan sont en route pour visiter la maison de la psychiatre Adrienne Hale, disparue depuis plus de trois ans. L’agente immobilière leur fait faux bond car la neige tombe en abondance et à tel point que le couple n’a d’autre choix que de passer la nuit dans la maison. C’est une bâtisse austère et merveilleuse à la fois, où Ethan désire s’installer tandis que son épouse, plus réservée, lui trouve une atmosphère délétère.  En visitant une pièce contenant une bibliothèque bien remplie, Tricia découvre un mécanisme qui lui donne accès à une alcôve secrète où des centaines de cassettes sont cachées : il s’agit des enregistrements des consultations de la psychiatre avec ses clients. Parce qu’il faut bien tuer le temps, la jeune femme, à l’insu de son compagnon, commence à écouter certaines d’entre elles. Le cas d’un certain EJ ne tarde pas à la fasciner. Il s’agit d’un homme atteint de trouble narcissique qui, peu à peu, va se révéler manipulateur pervers, allant jusqu’à menacer la vie de la docteure. Serait-ce son meurtrier ?

Le jeu du « je »

Grâce à une narration multiple (les faits et gestes du couple dans la maison, les transcriptions des consultations de la docteure, les événements vécus par la psychiatre qui ont présidé à sa disparition), McFadden construit peu à peu une toile de suspicion et de tension qui parviennent à donner envie d’aller plus loin malgré l’évidente mauvaise qualité de l’écriture. C’est facile, basique, convenu, truffé de personnages stéréotypés dans leurs déviances, auxquels on ne parvient pas à s’attacher
McFadden utilise le « je » narratif. L’emploi de cette voix permet une identification plus intime avec le personnage qui s’exprime, mais empêche l’omniscience, cette pratique littéraire qui offre à l’auteur une maîtrise et un contrôle total sur les événements, les actes et les pensées des protagonistes. Dans ce cas, l’auteur – ou la personne qui raconte l’histoire – se donne les pouvoirs de Dieu : il sait tout, sur tout.
L’emploi du « je » ne fonctionne jamais aussi bien que lorsque le personnage qui l’incarne possède un caractère, une psychologie, une solide base de vraisemblance. L’héroïne (et c’est un grand mot, tant elle est passive) de « La Psy » est avant tout agaçante, avec ses questionnements stéréotypiquement féminins (est-ce que je dois dire à mon mari que je suis enceinte alors que je sais qu’il ne désire pas être père ?) ; quant à la docteure Hale, elle se révèle antipathique à souhait. Les autres personnages qui végètent çà et là sont au mieux interpellants (pour un temps), au pire lisses et inconsistants.

Savoir mentir est un art

Ce roman est un faux-semblant total où l’incohérence règne en maître.
Dès le prologue, l’auteur se fourvoie en confondant mensonge et malhonnêteté (le fait de ne pas signaler qu’un distributeur automatique fonctionne mal, au bénéfice des utilisateurs n’est en rien un mensonge).
Le couple semble ne rien connaître du passé de la psychiatre et durant 380 pages, le lecteur en est convaincu. Les dialogues (insipides) et les propos (abscons) qu’ils échangent en sont autant de témoignages. Or, la fin de l’histoire nous apprend qu’il n’en est rien et qu’en fait, Ethan et Tricia, réunis par un étrange pacte d’amour, ont leurs propres raisons de résider dans la maison car ils sont liés aux événements tragiques survenus à la psy.
Les grosses ficelles pullulent : de la tempête de neige paralysante à la lumière à l’étage de la maison censément abandonnée, au tableau qui change de place tout seul en passant par ce livre (un exemplaire de Shining) relié au mécanisme qui ouvre l’accès à la pièce aux cassettes.
La fin, alambiquée et prêtant à tous les protagonistes un goût immodéré pour le meurtre (qu’aucune tempérance morale ne vient modérer), est d’autant plus inattendue qu’elle est idiote, complètement inconcevable.

Savoir écrire aussi

Mc Fadden est une mode. Surévaluée. Une auteure sans saveur, sans franche originalité, qui pourra cependant continuer à exploiter tous les corps de métiers (au féminin) dans ses romans tant que la pléthore de lecteurs peu exigeants qui s’en sont entichés accepteront de la suivre.
Éric Albert

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