La légende arthurienne demeure un terreau fertile pour bien des auteurs qui y trouvent moult ingrédients pour la concoction de récits séduisants. Une facette présente une histoire médiévale teintée de batailles, de noblesse, de barbares assoiffés de sang et de paysages bucoliques. Une autre offre un conflit entre un christianisme s’affirmant dans le monde politique et spirituel, et un paganisme plus ancien. Enfin, un univers fantastique grouillant de magie et d’êtres féériques ou diaboliques fignole le tableau global. C’est au sein de ce vaste monde regorgeant de possibilités que s’installe la trilogie du Concile de Merlin de Lionel Cruzille.

Évangile perdu

Dans ce premier volume, regroupant les tomes « Le Secret » et « Les Pèlerins du Temps », l’auteur décide de débuter son synopsis après la mort tragique du roi Arthur à Camlann et de suivre les desseins de Merlin, exilé en Armorique après les invasions de barbares pictes et germaniques. Le mage organise un concile secret, rassemblant de hautes personnalités spirituelles de deux mondes pourtant hostiles l’un avec l’autre : la chrétienté et le druidisme. Lors de cet événement dans la forêt de Brech El Lean, Merlin dévoile des écrits anciens découverts en Egypte : plusieurs exemplaires d’un évangile dévoilant la véritable vie de Jésus. Néanmoins, au vu des répercussions que cet ouvrage peut provoquer dans le monde chrétien, l’Église tente de les détruire et de faire taire définitivement les participants de ce concile. Merlin disparaît peu de temps après suite à ces machinations, laissant la quête de la défense de ces ouvrages à sa fille, la guerrière et mage Gwendaëlle.

Une Église avide de pouvoir et de richesse

Lionel Cruzille offre, avec ces deux premiers livres, un synopsis des plus captivants. Par les yeux de l’héroïne principale, nous découvrons une époque révolue depuis de nombreuses lunes et voyageons aux côtés de figures majeures de l’histoire de la chrétienté et de la légende arthurienne : Gildas le Sage, Benoît de Nursie, Arthur, le Père Blaise, les papes Vigile et Pélage Ier, etc. Nous devenons témoins de la montée en puissance d’une Église avide de pouvoir et de richesse, et d’un paganisme bringuebalant entre la corruption des uns et le désir d’autres de lui permettre de survivre dans un monde de moins en moins tolérant. Gwendaëlle, au travers ses aventures, découvre maints secrets sur Merlin et son parcours de mage, mais se voit surtout soumise à bien des questionnements philosophiques et théologiques remettant en question sa conception du monde, de la religion, du bien et mal. Peu à peu, quelques flashbacks dévoilent les débuts d’Arthur, ouvrant ainsi la voie vers la quête du Graal.

Vers une fin spectaculaire ?

La somptuosité de l’histoire se marie à merveille avec le style littéraire de l’auteur. Sa plume s’avère très agréable à lire, offrant un vocabulaire riche. Cependant, un point négatif se matérialise dans le personnage même de Gwendaëlle. La manière de faire s’exprimer la protagoniste et nombre de ses questions lui retirent un certain charisme et la rendent quelque peu ennuyeuse. D’autres personnages, à l’instar de Gildas ou d’Iloan, un jeune mage qui aide le synopsis à avancer, possèdent pourtant plus de force de caractère. Le troisième et dernier volume de cette saga offrira éventuellement une évolution majeure dans le comportement du personnage principal ? Nombre de ses rencontres avec des mages et des moines dans des contrées bien éloignées de Bretagne ou d’Armorique ne manqueront pas de toucher intimement son caractère.

Par ces deux premiers tomes, Lionel Cruzille annonce une fin des plus spectaculaires où le conflit entre l’Église et des religions « païennes » risque d’atteindre des proportions désastreuses. A suivre prochainement.

Florian Masut