Matz (scénario); Jacamon (dessin)
Bande dessinée
Bruxelles : Casterman, 2024, 64 pages, 12,95 €

🙂 🙂 🙂 Sous la carapace

Passé du côté des forces de l’ordre françaises, le Tueur officie dans l’ombre pour effacer les cibles que ses supérieurs lui désignent. Confronté depuis le tome 4 de cette nouvelle série à un réseau d’abuseurs d’enfants, il sent se fendre son habituelle carapace d’insensibilité, celle-là même qui lui dicte depuis des années de ne pas s’investir, de rester insensible et de se contenter d’appuyer sur la gâchette. Après une tuerie aussi sanglante qu’imprévue, il se retrouve avec une petite fille sur les bras et ne voit d’autre solution que de l’emmener avec lui. Il constate toutefois rapidement que d’autres porte-flingues sont encore à ses trousses. Quant à ses supérieurs, ils ne voient pas non plus cet accès de sensibilité d’un bon œil.

Une série pleinement intégrée dans notre époque

Avec ce « Rigor mortis », Jacamon et Matz clôturent donc le cycle entamé dans « Frères humains », et de très belle manière, disons-le. Plus que jamais, leur personnage principal évolue en eaux troubles, entre le bien et le mal, tentant sans cesse de justifier les cadavres qu’il laisse derrière lui, mais n’arrivant souvent à convaincre que lui-même. Pourtant, et même si on le sentait depuis longtemps, et même s’il continue à le nier, il montre cette fois de façon plus claire qu’un cœur bat sous cette armure de mercenaire.
On retrouve dans ce volume ce mélange qui, depuis le premier de la série, en assure sa marque de fabrique : des dialogues tantôt directs et qui font avancer l’intrigue, assortis de passages plus « philosophiques » dans lesquels le personnage principal disserte sur l’état du monde et nous en livre sa vision : « Aujourd’hui, tout le monde est un survivant, un héros, une victime de quelque chose. Les mots sont galvaudés, n’ont plus aucune valeur. Parfois les coupables essaient même de se faire passer pour des victimes… ». La petite fille qu’il a prise sous son aile a, elle, « vu des choses que personne ne devrait voir ni vivre. Elle a été la proie d’ordures prêtes à exploiter sa vulnérabilité ». Un nouveau scénario bétonné, d’apparence simple mais taillé au cordeau, d’une rare efficacité, servi par un dessin splendide, dynamique et aux couleurs superbes. De la très bonne bd d’action, pleinement intégrée dans notre époque où l’humain passe bien après les chiffres.
Nicolas Fanuel

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