Toute l’intrigue tourne autour de la vie quotidienne d’un carrefour de Toulouse. Des caméras de surveillance y sont installées et c’est Gaspard, un type comme vous et moi, qui est chargé de visionner les écrans sur lesquels les dites caméras renvoient en direct ce qu’elles filment. Ce que voit Gaspard, c’est une femme souvent penchée à son balcon, dans l’immeuble juste en face du centre de contrôle. Il ne le sait pas, mais cette femme, Zélie, est terriblement perturbée par l’arrivée d’élagueurs chargés de rabattre les platanes qui bordent son avenue, parce que dans celui situé juste sous sa terrasse se trouve un nid de chardonnerets dans lequel les œufs viennent d’éclore. Ce qu’il ne sait pas non plus, c’est que le mari de cette femme, Pierre, est chauffeur de camion, spécialisé dans les transports dangereux. Il vient de quitter son poste et est sur le point d’en accepter un nouveau, moins dangereux pense-t-il. Ce que Gaspard voit aussi, assez souvent, c’est un drôle de gars qui parcourt les rues et écrit au sol, à la craie. Enfin, ce que Gaspard ne sait pas, c’est que pas loin de là, réside un type obsédé par les girafes et que ce dernier n’en peut plus de sa vieille mère en chaise roulante. Alors que Gaspard apprend que sa femme a une liaison, les élagueurs se rapprochent du platane avec le nid, le type à la craie vit une querelle de voisinage, Pierre est décidé à faire une grosse, mais alors une très grosse surprise à Zélie pour lui changer les idées, et l’obsédé des girafes entame des mesures de rétorsion à l’égard de sa mère.
Un pitch séduisant
On avait été séduit par le pitch de ce nouveau roman de Pascal Dessaint, un auteur de romans noirs français prolifique et récompensé à plusieurs reprises par des prix littéraires. Et il y avait de quoi, les quelques personnages qui font ici bouger les lignes se révèlent très vite denses et véritablement habités par leur vie quotidienne, aussi banale puisse celle-ci paraître au regard de la marche du monde. On vit avec eux et on adhère sans difficulté à leurs problèmes ou à leurs engagements respectifs. On voudrait vraiment que les élagueurs n’attaquent pas l’arbre au nid. Et aussi que les passants se rendent compte de l’importance des écrits de l’homme à la craie. On se dit que tout cela, que ces trajectoires personnelles vont finir par se croiser, ça tombe bien, justement l’intrigue ne tourne-t-elle pas autour d’un carrefour ? Et de fait, ça ne manque pas, et d’une manière véritablement bousculante et totalement imprévue. Le seul bémol, c’est le temps pris pour y arriver, la longueur de certaines étapes, le temps exagéré consacré aux moments d’introspection des acteurs, et qui nous a parfois fait sauter certains passages. On salue par contre chaleureusement l’attention portée aux questions environnementales, la beauté de certains passages et les réflexions presque philosophiques qui parsèment l’intrigue.