Après leur défaite à Sedan en 1870, les soldats français furent parqués sur la presqu’île d’Iges, qui faisait partie de la commune de Glaire. Sans ressource, gardés de loin par les soldats prussiens qui tiraient à vue sur le premier d’entre eux qui aurait tenté de s’échapper en traversant la Meuse, 80.000 soldats vécurent là un enfer, affamés, tantôt sous une pluie battante, tantôt sous un soleil de plomb. Balzac en fît le récit dans le dernier titre du cycle des Rougon-Macquart, « La débâcle ». Parmi les milliers de soldats parqués là, le commandant More est appelé par le roi de Prusse en personne afin de résoudre un crime perpétré dans son entourage proche. More quitte la prison à ciel ouvert, en compagnie de Seligmann, son aide de camp.
Plusieurs affaires distinctes
Dans ce premier tome d’une nouvelle série consacrée aux enquêtes de l’homonyme du célèbre humaniste anglais (à moins que finalement, ce ne soit lui-même, la question reste ouverte), nous voyagerons donc à travers la France de la fin du Second Empire. L’armée prussienne est partout mais More bénéficie d’un sauf-conduit qui lui permet d’aller et venir à sa guise, et même de solliciter les services de police français. Et il ne se privera pas d’avoir recours à leurs archives, lorsqu’il s’agira de recouper l’une ou l’autre des intuitions qui lui viendront à l’esprit au fil des enquêtes qu’il va résoudre dans ce volume (car oui, nous assisterons à la résolution de plusieurs affaires bien distinctes). Bien que paru dans la collection blanche des éditions Gallimard, on est bien ici dans une intrigue typiquement policière, située dans le cadre historique expliqué plus haut. Avec son verbe précis, son goût pour le langage châtié et ses tournures de phrases élaborées, François Sureau (membre de l’académie Française, poète, essayiste, romancier, avocat et haut-fonctionnaire, né en 1957) nous fait penser à Conan Doyle : l’esprit d’observation et de déduction de son Thomas nous rappellant celui d’un certain Sherlock. À la différence de Sherlock, Thomas bénéficie de connaissances historiques considérables, qui lui permettent de raccrocher une affaire de 1870 à une plus ancienne, quitte à ce que celle-ci ait eu lieu dans un autre…siècle. Thomas More, voyageur temporel ? Voilà qui devrait sans doute se préciser dans les volumes suivants. En tous cas, ce premier nous a séduit tant par la finesse d’esprit et le côté rebelle de son personnage principal, que par le style délicieux et enlevé de son auteur.