Camilleri, Andrea ; traduit de l’italien (Sicile) par Serge Quadruppani
Policier & Thriller
Paris : Fleuve éditions, 2024, 281 pages, 20,90€
🙂 🙂 🙂 Le vertige de la séparation
Il est évident que pour moi, comme pour beaucoup de fans, une aventure du commissaire Montalbano, c’est toujours un grand plaisir de lecture. Je reçois donc celui-ci en me réjouissant d’avance, mais aussi avec un peu de nostalgie, car on arrive tout doucement à la fin.
En effet, le service de presse l’annonce comme l’avant-dernière enquête de Montalbano, le tout dernier, Riccardino, devrait paraître en français en 2025, pour la célébration du centième anniversaire de la naissance de son auteur. Remarquez cependant que selon d’autres sources, il y en aurait encore 2 ou 3 à paraître en français. Plus tard peut-être ?
Rappelons qu’Andrea Camilleri nous a quittés en 2019, à l’âge de 93 ans. Mais il avait prévu la sortie de scène de Montalbano en écrivant Riccardino en 2005, avait remanié le texte en 2016, en faisant promettre à sa maison d’édition de ne pas le publier avant sa mort. Riccardino est donc paru en Italie un an après sa mort. La traduction française sera disponible en 2025, donc.
Entretemps, ce grand monsieur a continué à écrire, puis, étant devenu quasi aveugle, à dicter à sa fidèle secrétaire de nouvelles enquêtes.
Qu’est-ce qu’il va nous manquer, avec cette langue et son vocabulaire si particuliers, rendant les dialogues tellement vivants grâce à leurs racines régionales, ceux-ci nous transportant littéralement (c’est le cas de le dire) en Sicile, remarquablement bien rendus par son talentueux et respectueux traducteur Serge Quadruppani.
Qu’est-ce qu’il va aussi nous manquer, avec son commissaire au caractère bien trempé, gastronome avéré, aimant la cuisine sicilienne autant que les jolies femmes (un peu trop car lié à Livia, sa fiancée génoise). Avec l’équipe également, et ses personnages hauts en couleur. Avec son humour, distillé tout au long des récits, mais aussi ses dénonciations de tristes réalités : inégalités sociales, mafia, trafic de drogue, traite des êtres humains, racisme …
Mise en scène macabre
Et les enquêtes bien sûr. Venons-en donc à celle -ci. Mimi Augello, l’adjoint de Montalbano et indétrônable coureur de jupons, débarque chez le commissaire en pleine nuit, ayant dû quitter précipitamment le domicile de sa maîtresse pour échapper au mari cocu. En s’enfuyant par les balcons, il découvre à l’étage en dessous le cadavre d’un homme. Situation très embarrassante. Comment justifier la découverte de ce corps sans se compromettre ? Comme la nuit porte généralement conseil chez Montalbano, ils décident d’attendre le lendemain que le cadavre soit découvert par autrui. Le matin, surprise : un autre corps est découvert, mais à une autre adresse, placé identiquement comme le premier, dans son lit, habillé, même posture ??? Ces deux tableaux ont vraiment l’apparence d’une mise en scène macabre. Ces deux crimes seraient-ils liés ? Alors que le premier corps disparaît mystérieusement (ce qui arrange Augello et Montalbano), on apprend que le deuxième est celui d’un metteur en scène qui adoptait des méthodes très particulières pour recruter ses acteurs, allant jusqu’à scruter leurs failles psychologiques. Montalbano parviendra-t-il à résoudre cette affaire, dans laquelle sont imbriquées fiction et réalité ?
Un fond à caractère social
Si on aime Montalbano pour son personnage et son entourage, il y a quand même une intrigue bien ficelée, où il est question de théâtre, de psychanalyse, mais aussi un fond à caractère social. Andrea Camilleri dénonce ici le chômage, les jeunes sans travail, les fermetures d’usines, le monde déglingué transmis aux jeunes, ce triste tableau affectant beaucoup le commissaire. Il vieillit aussi, et avec l’âge, il se pose des questions existentielles, notamment au sujet de sa relation avec Livia. Celle-ci est-elle condamnée à se déliter ?
Vous l’aurez compris, fan de Montalbano je suis, fan je resterai. Je suis angoissée à l’idée de lire Riccardino car je sais que ce sera la fin. Et l’adieu sera teinté de tristesse. J’ai découvert Camilleri et Montalbano avec Le Voleur De Goûter. C’était le troisième de la série. J’ai rapidement enchaîné avec les deux premiers, et puis tous les autres. J’ai la série complète. Un jour je les relirai, c’est une évidence. Ces romans me sont tellement précieux …