Marrs, John ; traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Vincent Guilluy
Policier & Thriller
Paris : Hugo poche, 2021, 526 pages, 8.50 €
🙂 🙂 🙂 Ma place dans le trafic
Les voitures autonomes ont envahi les routes de Grande-Bretagne. Pratique : il suffit de se laisser conduire en s’adonnant à ses occupations préférées.
Oui mais…quand un hacker parvient à prendre le contrôle de quelques véhicules et à leur promettre un accident commun en apothéose, la peur étreint les passagers prisonniers de leur propre véhicule.
Et le cauchemar ne s’arrête pas là puisque le terroriste s’est débrouillé pour que tout ce qui passe dans les véhicules soit retransmis non seulement sur les écrans de la Commission d’enquête sur les accidents routiers – une institution gouvernementale à la base de l’autorisation d’utilisation des véhicules autonomes à grande échelle – mais aussi et surtout sur les réseaux sociaux !
En pervers accompli, le hacker propose aux internautes de désigner le candidat-passager qui mérite le moins de survivre…Le choix doit être déterminé uniquement sur la présentation succincte des otages, dans laquelle les côtés sombres sont volontiers mis en lumière. Ainsi, Sofia, une ancienne actrice de renom, a couvert les actes pédophiles d’un de ses compagnons afin de préserver sa carrière, Claire dissimule le cadavre de son mari dans le coffre de sa voiture, Sam est marié à deux femmes à la fois et vit deux vies de père en parallèle, en roi des manigances, etc.
Pour prouver sa détermination, le hacker n’hésite pas à sacrifier un premier Passager, Victor Patterson…
Rien ne semble pouvoir arrêter le plan machiavélique du hacker. La collision générale est programmée dans une paire d’heures. Tandis que le destin des Passagers est laissé à l’appréciation des férus de l’internet, Libby, membre de la Commission, se rend compte qu’un des otages n’est autre que son ex-petit ami. Et lui aussi cache des informations peu reluisantes.
John Marrs est entré en littérature avec « Ames soeurs », une exploitation à l’extrême du concept de l’amour identifié par des paramètres scientifiques de compatibilité (Vous avez dit « Mariés au premier regard »?). Rapidement adapté en série télévisée sur Netflix, ce roman se devait d’être suivi par un second tout aussi surprenant, déroutant tout en rendant compte des travers profonds de la nature humaine. Entreprise réussie avec « Les Passagers » ! Bien ancré dans l’air du temps, le récit pose certaines questions sur les dérives de l’Intelligence Artificielle, des voitures autonomes, de l’internet, sur cette société qui fait bien peu de cas de la vie humaine, qui prône le règne de l’apparence et où la vie privée est bafouée à la moindre occasion.
Le texte, divisé en de nombreux courts chapitres incisifs et qui ne s’embarrasse que de l’essentiel, exploite toutes les ficelles pour scotcher le lecteur. Le sens du suspense est omniprésent, la violence directe et organique (« des morceaux de Victor Patterson tombaient du ciel ») et la divulgation des secrets inavouables de chacun des candidats, en faisant écho aux inclinations les plus basses de la nature humaine, entretient une lecture délicieusement coupable.
Notons également le coup de bluff magistral de la fin du roman (non, vous ne saurez rien ici) et l’explication des motivations du terroriste – terriblement réalistes – qui convaincront à coup sûr les amateurs d’histoire inexorable, implacable et terriblement vraisemblables.
John Marrs est indubitablement un auteur à suivre.