Deux narrations pour une histoire haletante. La première se déroule sur une planète peu hospitalière, où des vents de sable et de poussière fouettent inlassablement deux voyageurs, Nova et son père Reiz. La jeune fille profite de ce long périple éreintant pour rédiger les mémoires de son vieux paternel, dont son interminable voyage au travers de l’univers. La deuxième suit justement les péripéties rencontrées par Reiz et ses trois acolytes, Chana, Onye et Ryoko, au sein du vaisseau Héritage One. Leur mission : un voyage de 20 000 ans vers Geminae, la planète la plus à même de faire germer l’humanité, ce grâce aux quelques milliers d’embryons qui accompagnent les voyageurs. Cependant, les problèmes interviennent rapidement. La Terre cesse toute communication et la biostase, cette pratique qui permet aux aventuriers de se cryogéniser, transforme peu à peu les passagers en matière minérale…
… et l’au-delà ?
Auteur de Jean Doux et le mystère de la disquette molle ou de Georges Clooney : une histoire vrai, nous n’attendions pas Philippe Valette dans une épopée spatiale riche en péripéties, en suspense et en réflexions philosophiques. Pourtant, L’Héritage Fossile propose un synopsis à double narration particulièrement prenant et bien construit. Au fil de l’histoire, nous envisageons les problèmes rencontrés par l’équipage d’Héritage One, ce au travers des récits que Reiz conte à sa fille, Nova : comment, après une infime partie du voyage, des complications insurmontables s’imposent aux spationautes ; comment ceux-ci doivent les surmonter afin de poursuivre un voyage qui permettrait à l’humanité de survivre ; quelles décisions extrêmes et quels sacrifices prendre afin de finaliser ce voyage ? Abandonner en conservant des principes éthiques ou poursuivre en les abjurant ? Cependant, le piège réside justement dans les souvenirs et les interprétations de Reiz, qui n’offre qu’une vision de l’histoire … éventuellement sublimée ?
L’une des forces de l’ouvrage réside dans le choix de l’auteur de débuter son histoire sur la planète Germinae. De ce fait, le lecteur découvre progressivement les secrets du voyage et les objectifs des astronautes. Moult questions s’imposent à lui et ne trouvent leur sens que dans les dernières pages. La conclusion de l’histoire s’avère particulièrement fracassante, mais laissons un peu de suspense !
Un style enfantin ?
Le thème de l’ouvrage ouvre moult questionnements philosophiques et des problématiques relativement sombres, ce que les dessins ne laissent pas présager. Le style de Philippe Valette se rangerait davantage vers des dessins naïfs, presque enfantins, spécialement pour les personnages. Cependant, l’auteur intègre également des décors 3D, notamment pour le vaisseau. Un style qui peut légèrement déplaire, même si certains décors s’avèrent époustouflants, notamment les impressions de tempêtes qui inondent la planète Germinae et imposent parfaitement une image de lieu désolé et inhospitalier.
En résumé, cet ouvrage de Philippe Valette est une belle réussite. Le synopsis, riche en suspense et en rebondissement, offre moult matières de réflexions pour le lecteur (écologie, voyage spatial, éthique) et laisse également certaines dimensions sans réponse (notamment la situation de la Terre). Malgré des dessins de personnages qui peuvent refroidir certains lecteurs, l’ensemble des décors, tant au niveau des paysages que du vaisseau, offrent de belles représentations qui parviennent à créer un monde cohérent. En espérant que l’auteur restera sur sa lancée et offrira d’autres ouvrages aussi prometteurs.