Harper, Jane; traduit de l’anglais (Australie) par David Fauquemberg
Policier & Thriller
Paris : Calmann-Lévy, 2019, 414 pages, 21,90 €
🙂 🙂 🙂 🙂 Homme perdu au pays des kangourous
Queensland, Australie. Là où les fermes sont éparpillées dans l’immensité. Le corps de Cameron Bright est retrouvé recroquevillé sur la tombe du stockman, une pierre tombale dressée aux portes du désert. Cameron avait 40 ans, et en bon fermier du cru, un 4X4 climatisé et rempli de vivres…immobilisé à quelques 9 kilomètres de là. Cameron était censé retrouver son frère Bub à l’antenne radio pour la réparer. Pourquoi n’était-il pas au lieu du rendez-vous ? Pour quelle raison a-t-il quitté son véhicule en parfait état de fonctionnement ? Cam n’aurait jamais volontairement eu cette imprudence. Il en connaissait les conséquences, fatales à coup sûr. Il ne voulait tout de même pas en finir, n’est-ce pas ? Même si, à la ferme, beaucoup s’accordent à dire qu’il était nerveux, ces derniers temps : « oncle » Harry, Liz, la mère des trois frères, Ilse, la femme de Cam, ses filles, le couple de backpackers britanniques qu’il avait embauché il y a peu…
Nathan, le troisième frère marginalisé, celui dont la ferme voisine périclite, se voit forcé de cohabiter avec eux durant quelques jours. Tous semblent tous détenir un secret, une explication, sans pouvoir cependant fournir de réponse. Nathan tente d’assembler les pièces du puzzle, d’autant que la mort de Cam, bien qu’aimé de tous, profite à certains…
Outback australien et isolement
Tout le sel de ce polar caniculaire réside en partie dans les secrets de famille, qui peinent à remonter à la surface. Les lieux favorisent également – et largement ! – cette atmosphère tendue, et ce sentiment d’insécurité permanent. La ferme, comme toutes les exploitations dans ce coin du Queensland, est très isolée, formant pour ce roman un admirable huis clos. Les habitants sont dotés de réserves leur permettant de vivre en autarcie, surtout que l’eau peut venir et envahir les terres. Leur seul moyen de communication est la radio, qu’ils sont censés laisser allumée pour leur sécurité. Une armoire à fusils également. D’autant que les dingos– les chiens sauvages – sont présents dès la nuit tombée. Une nuit noire, après l’extinction du groupe électrogène.
Les allées et venues sont limitées pour les habitants de la ferme des Bright : chaque trajet peut mettre à mal la survie de celui qui s’engage dans ces contrées. Aller réparer une clôture, libérer un veau pris dans les barbelés, se rendre en ville, …sont autant d’actes qui doivent être inscrits dans un registre, afin de savoir où chacun se trouve et quand il compte revenir.
Jamais la tombe du stockman, sujette à de nombreuses légendes, n’a été aussi fréquentée…
Polar australien étouffant, et prenant !
Jane Harper est l’auteure de « Canicule », adapté au cinéma, et de « Sauvage ». Tous les deux ont été primés. Britannique de naissance et australienne d’adoption, elle était journaliste. Pour l’écriture de « Lost man », elle a parcouru quelques 900 km d’outback sous bonne guidance, afin de découvrir le mode de vie si particulier qu’il demande.
« Lost man », dont l’intrigue épouse le point de vue de Nathan, est truffé de pistes et de questions sans réponses. Le mystère reste longtemps entier. Puis, lorsqu’une lueur apporte au lecteur des éclaircissements, tout se met en place, et les personnalités se révèlent bien moins lisses qu’escomptées. La beauté de certaines se révèlent, les tourments des autres justifient – ou pas – certains actes. Au final, « Lost man » est un roman vibrant, et Jane Harper une voix du polarqu’il ne faut surtout pas…perdre.