Sharpe, Tess; traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Héloïse Esquié
Policier & Thriller
Paris : Sonatine, 2019, 555 pages, 23 €
🙂 🙂 La Californie post-ruée vers l’or
« J’ai huit ans la première fois que je vois papa tuer un homme ». Entre flash-backs et présent, Harley nous égraine son parcours, chaotique. Huit ans, c’est l’âge où sa maman est morte dans une explosion criminelle. Ce pourquoi Duke McKenna, son père, commet un assassinat.
Depuis, Harley a grandi, éduquée à la dure par ce père, qui agit dans l’unique but qu’Harley lui succède. Tireuse hors pair, elle défend à 23 ans l’empire Mc Kenna, une société de transport qui comprend plusieurs branches : fabrication de méthamphétamine, armes, herbe, commerces destinés à blanchir de l’argent. Harley s’occupe notamment des recouvrements, le prélèvement mensuel de dettes locales. De simples citoyens qui ont sollicité un moment Duke McKenna pour les dépanner.
Une des autres responsabilités de Harley, c’est le Ruby, qui tient une place particulière dans son cœur. C’était le motel de sa mère, qui accueille des femmes battues ou en difficulté. Harley et Mo, son associée, protègent les Rubinettes et leurs enfants de maris vindicatifs, à coup de fusil si besoin.
Ce petit monde situé dans le North County est régi par ses propres lois, baignant dans une trêve relative entre les McKenna et leur ennemi juré, Carl Springfield.
Will, un garçon à moitié indien avec lequel Harley a grandi, a été éloigné de la région pour suivre des études. Mais Will revient, alors que de nouvelles tensions pourraient déterrer la hache de guerre…Mauvais timing pour Harley, en proie à ses sentiments.
Roman country noir féminin
Est-il possible de trouver une critique qui n’encense pas « Mon territoire » ? Le récit relève du sous-genre « country noir », sorte de western où les femmes ne brillent en général pas dans les rôles principaux. Et peu de romancières le représentent. « Mon territoire » est en ce sens remarquable, et mérite l’attention qui lui est portée.
Harley est une jeune femme au quotidien trop lourd, dans une Californie qui n’a guère évolué depuis la ruée vers l’or. A noter que l’auteure est née dans une cabane au fond des bois. Fille de deux rockeurs punk, elle a grandi dans une zone reculée de la Californie.
Premier roman violent
550 pages de violence, entamées par la narration alternée de différents épisodes du passé, qui ont fait de Harley ce qu’elle est aujourd’hui. A la longue, cette discontinuité a gêné ma lecture, rompant sans cesse le fil narratif : une région trop longtemps restée sous le joug de Duke, et ceux qui aimeraient profiter de son absence pour prendre le contrôle. Évocations certes nécessaires, qui démontrent le poids du destin familial, qui a privé notamment Harley de toute éducation scolaire ou sociabilisation.
Je n’ai pas entièrement adhéré au cycle éternel de violence qui se livrent les deux familles ennemies, à coup de « il me le payera » et autres formules de vengeance. Mais ce premier (!) roman ne manque pas d’intérêts narratifs. Tandis que l’absence de Duke est étrangement longue, Harley perd de l’assurance face à d’ambitieux loups. Découvrez quelles solutionselle va pouvoir dégager pour reprendre en main l’affaire familiale, et son destin.
Je terminerai par cet extrait, comparable à ma perception de lectrice :
« Les leçons de Duke continueront de me tenir à cœur, mais dans mon cœur, elles n’y pénétreront jamais. »