Dolan, Chris ; traduit de l’anglais (Ecosse) par David Fauquemberg
Policier & Thriller
Métailié (Bibliothèque écossaise), 2018, 345 pages, 21€
🙂 Glasgow la noire
Les corps des deux adolescents reposaient dans l’herbe, comme simplement et presque délicatement posés là, dans la rosée matinale de ce parc de la banlieue de Glasgow. Àl’image d’un célèbre tableau, les doigts du premier gamin touchaient, dans une ultime tentative de protection peut-être, ceux du second, étendu tout aussi raide à côté. Pas de pièce d’identité, pas d’empreintes dans les bases de données, pas de trace de l’assassin sur place, pas la moindre piste de départ.
Ce n’est pas à proprement parler son boulot, mais la substitut du procureur Maggy Shannon tenait à visualiser la scène de crime. Habituée au pire, elle sera pourtant durablement marquée par la vision des deux corps. Peut-être était-ce dû à cette mise en scène macabre de leurs dépouilles, ou simplement au regard moqueur de certains flics ironisant sur sa tenue inadaptée aux circonstances, elle n’en savait trop rien, mais l’affaire la tenaille et lorsqu’un autre corps d’adolescent -une gamine cette fois- est découvert dans un jardin privé, elle tente de lier les deux affaires. Contre l’avis des flics, dont certains sont pourtant des proches, presque des amis, et à l’encontre de celui de sa hiérarchie : voilà qui ne semble pas la déranger.
Le personnage de Maggy Shannon se révèle rapidement attachant et à cent lieues des archétypes habituellement rencontrés dans le domaine du polar. La quarantaine, très indépendante, sorteuse et volontiers dragueuse, elle se plait à donner d’elle une image de femme forte, blindée contre toute forme de sentimentalisme ou d’attachement. Côté pile, ses relations la montrent sensible à une histoire familiale dans laquelle immigration italienne et omniprésence de la religion -et de ses représentants en robe noire- composent un mélange pas toujours harmonieux. D’un point de vue plus personnel encore, nous la découvriront soucieuse du devenir de sa relation avec un confrère, relation qu’elle s’échine pourtant à faire passer pour purement physique. Au-delà des contacts difficiles avec les policiers ou avec ses collègues, son moteur reste l’envie de rendre justice, de mettre la vérité au jour, quelle qu’elle soit et quels que soient les dégâts occasionnés dans la bien-pensante société écossaise que son enquête l’amène à fréquenter. Une intrigue parfois difficile à suivre tant elle avance par à-coups irréguliers, explore trop longtemps certaines fausses pistes et s’attarde sur des personnages peu importants ou pas assez creusés. Un coup de théâtre bienvenu relance la machine à la fin de son premier tiers mais certaines lenteurs plomberont encore la suite. L’ensemble est largement sauvé par le personnage de Maggy Shannon, à la fois rayonnante dans son individualisme et sa force de caractère, et torturée intérieurement par une sensibilité à fleur de peau.