Quatorze ans après l’événement qui les avait séparés, Camille et Sébastien prennent enfin le temps d’une « toute petite conversation ». À cette époque, Sébastien, déjà père de deux enfants, était séparé de leur mère. Plus âgé que Camille, il ne se sentait pas devenir à nouveau papa ; aussi, lorsque celle-ci lui avait appris qu’elle était enceinte, l’avait-il prévenue : « Sache juste que si tu décides de le garder, je disparais ».
Au fil de cet échange, Camille et Sébastien revivent ensemble cette période d’entre-deux, ces jours d’indécision durant lesquels la possibilité d’un avortement plane au-dessus d’eux. Ils expriment les pensées qui les traversèrent à cette époque, la manière dont chacun d’eux a vécu ces moments, les mots qu’ils se sont dits et comment ils les ont interprétés, les interventions de tiers également -les parents, les amis. Ils se souviennent d’avoir été soumis à des avis extérieurs divergents, se rappellent avoir été traversés de certitudes qui s’évaporaient aussi rapidement qu’elles leurs étaient advenues. Tous deux ont des souvenirs différents de l’époque, dont certains, 14 ans plus tard, restent encore douloureux. La conversation à laquelle nous assistons se révèle donc traversée de moments de tension, mais également d’instants où l’humour, la complicité et la tendresse dominent, tant leur histoire était basée sur un amour et un respect réciproque et sincère.
Un récit tout en nuances
Basé sur son premier livre (« Un tout petit rien », 2014), le scénario de Camille Anseaume se voit très joliment mis en images par Cécile Porée qui, de son trait réaliste et expressif, apporte un réel plus à l’histoire, comme une vague de douceur portée par des visages très expressifs, des couleurs savamment dosées et une alternance réfléchie de pages où le dessin se libère des cases et des bulles avec d’autres, plus classiquement découpées. Nous avons beaucoup aimé cette bd (ou ce roman graphique peut-être ?) pertinente de bout en bout, réaliste et pleine de nuances. Une lecture qui fait du bien parce qu’elle montre qu’un désaccord ne doit pas nécessairement tourner à l’affrontement. Bravo !
