Dans la magnifique bourgade de Tarbes, dans le sud-ouest de la France, plusieurs femmes se suicident dans les locaux d’une société lucrative de commerce en ligne, Titania. Malgré un milieu professionnel anxiogène et stressant, rien ne permet d’expliquer le passage à l’acte de ces femmes, qui ne croulaient pas sous les problèmes personnels ou professionnels. Une enquête est menée par le capitaine Martin Delbard, la lieutenante Clémentine Rucher et un jeune stagiaire nouvellement arrivé, Stéphane Brindille. De fil en aiguille, les protagonistes découvrent le monde d’un tueur méticuleux, intelligent et particulièrement difficile à intercepter, qui laisse derrière lui moult cadavres.

… est de vous persuader qu’il n’existe pas

Dans Usual Victims, l’enquête policière proposée par Gilles Vincent semble se diriger vers une intrigue en somme toute classique : quelques meurtres, un duo d’enquêteurs aguerris, un stagiaire aux airs du détective observateur à l’esprit cartésien. Pourtant, l’histoire mène rapidement le lecteur vers un casse-tête particulièrement complexe et intelligent. Au fil des pages, nous nous perdons avec les enquêteurs, suivant les machinations et le dédale laissés par un tueur retors. Lorsque quelques indices laissent apercevoir une potentielle approche de solution, le synopsis rebondi dans une direction parfaitement inattendue. La surprise demeure présente jusqu’au dénouement final.

Les protagonistes s’avèrent relativement bien construits, même si une attention toute particulière est donnée à Stéphane Brindille, le stagiaire aux allures de Sherlock Holmes, et au tueur. Les deux personnages possèdent un passé assez riche pour expliquer leurs raisonnements et leurs dérives. Celui du stagiaire Brindille détient d’ailleurs de belles histoires tortueuses et tragiquement sombres, ternissant de ce fait l’image d’un protagoniste opérant dans le camp des “gentils”. Loin d’être des figures spécialement attachantes, les personnages du roman passionnent néanmoins par leurs décisions, leurs déductions, leurs passés et leurs rencontres. Le tueur impressionne également par son sang-froid et sa préparation méticuleuse de chaque situation. Son intelligence déroute les inspecteurs et sa malice promet bien d’odieux crimes.

Au final, cet ouvrage de Gilles Vincent est une délicieuse réussite. Nous pourrions pinailler sur quelques détails, comme les passions de Stéphane Brindille qui sont relativement peu exploitées (notamment celle pour le poids des choses) ou encore l’intérêt des premiers chapitres de présentation des personnages qui auraient pu être construits plus subtilement. Cependant, l’auteur excelle dans la construction d’une intrigue passionnante bourrée de rebondissements et d’un style littéraire fluide et prenant. À suivre dans le second roman qui poursuit l’histoire de Stéphane Brindille, Amadeus.

Florian Masut