Cosby, S.A. ; traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre Szczeciner
Policier & Thriller
Paris : Sonatine, 2022, 352 pages, 22 €
🙂 🙂 🙂 🙂 Le rêve américain est mort au fond d’une ruelle abandonnée
Beauregard Montage s’était juré de se ranger. Oubliés, ses années de prison et son passé de chauffeur pour les petites frappes locales. Aujourd’hui père de famille et mari aimant, il rêve d’offrir aux siens la stabilité qu’il n’a jamais connue. Mais à Red Hill, petite ville rurale du sud-est de la Virginie aux tensions communautaires exacerbées, la vie d’un Afro-Américain ressemble encore souvent à un couteau planté sous la gorge. Et quand la pression financière se fait trop forte, Beau sait qu’il n’a plus le choix : il doit reprendre du service. Le coup semble gagné d’avance : un braquage dans une petite bijouterie, une fuite sur les chapeaux de roue, une piste intraçable. Sauf que le casse tourne mal. Et que la bijouterie en question appartient à un caïd du coin, prêt à tout pour se venger. Pour Beau, le compte à rebours est lancé. (Résumé de l’éditeur)
Les Routes oubliées est un plongeon vertigineux dans l’Amérique rurale contemporaine, l’Amérique des laissés-pour-compte. On y suivra le personnage de Beauregard Montage qui, lui aussi, plonge… inexorablement, jusqu’à toucher le fond dans une escalade de violence dont il perd totalement le contrôle.
Un roman noir criant de réalisme
Cosby pose son décor avec brio : des villages de caravanes, la pauvreté, la délinquance… On est directement immergé dans une de ces petites villes oubliées par l’Amérique elle-même. Là où vivent les oubliés du rêve américain, ceux qui ont cessé d’espérer depuis bien longtemps. C’est là que Beauregard, ancien truand local essayant désespérément de rester dans les clous, tient un garage au bord de la faillite.
L’une des forces du roman c’est le réalisme dans les ambiances. Un réalisme très à l’américaine qui n’est pas sans rappeler le dirty realism de Bukowski et de Fante. Cosby nous fait sentir la chaleur, la sècheresse et la crasse. Sans l’écrire, il nous fait voir ces grands espaces américains, entendre le silence du désert et le bruit des villes. Et au milieu de tout ça, il fait vivre des Américains qui, depuis longtemps, ont arrêté de rêver, rattrapés par la réalité qui, après les avoir mis à la porte, s’est essuyé les pieds sur leur visage avant de rentrer chez elle.
Néo polar
Autre fer de lance de ce roman : les scènes d’action. Courses illégales, braquages, courses-poursuites avec la police, bagarre et coup de surin (ou de clés à molette) … tout y est. L’auteur nous entraine avec son style simple, direct et incisif dans des scènes d’action qui nous mettent hors d’haleine et qui nous prennent tout entier. Cosby passe avec maitrise de son réalisme distant, décrit avec beaucoup de pudeur, aux descriptions trash du coup de fusil qui vous casse le genou ou du coup de poing qui vous arrache les dents de devant.
« Les routes oubliées » est un roman sur l’Amérique, ou plutôt sur une Amérique. Un roman de pneus qui crissent, de tôle emmêlée et de métal brulant. Faites-vous une faveur, lisez-le !