Rodolphe (scénario); Marcos, Ramon (dessin) et Fogolin, Dimitri (couleurs)
Bande dessinée
Paris : Delcourt, 2019, 55 pages, 14.95 €
🙂 🙂 Comme une odeur de souffre
La peste en marche
1933 : Adolf Hitler vient d’être élu Chancelier. Commence une ère sulfureuse pour les citoyens allemands. Bientôt les exactions, interdictions et autres brimades gagnent la population juive.
Il ne fait pas bon ne pas adhérer au Parti en ces temps troublés, sous peine d’être suspectés d’inclinations bolchéviques ou d’accointance juive. Le professeur Stieg observe d’un œil atterré l’évolution de la vie quotidienne. Peu intéressé par la politique – plus en phase avec les femmes ! – il ne s’émeut pas outre mesure du changement de nom du bar proche de son domicile : « les joyeux amis » s’appelle à présent « Chez Adolf ».
Or c’est un symptôme, un indice qui rend compte de la confiance du citoyen lambda pour le nouveau gouvernant du pays. Et peu importe si le Reichstag a pris feu. Et peu importe si les livres ont brûlé en places publiques. Et peu importe si des rumeurs de plus en plus insistantes témoignent d’un lent glissement de l’État vers un régime dictatorial guerrier et impérialiste.
L’Histoire dans l’histoire
La série « Chez Adolf » s’attache à l’étude de la réaction d’une série de personnages face aux événements qui mèneront l’Europe, puis le monde, vers le gouffre de la Deuxième Guerre mondiale. Ce premier tome permet de recadrer les circonstances de la montée en puissance du « petit caporal de 14 » et les premiers faits et gestes ayant conduit à l’antisémitisme meurtrier ambiant. Les auteurs nous offrent donc une certaine leçon d’Histoire, détaillée par le petit bout de la lorgnette. Ce qui rend le propos davantage émouvant et interpellant. Le second tome, « 1939 » verra certainement les prémisses du conflit et poursuivra le diagnostic des événements via la vie des « petites gens ».
Une facture classique
La lecture du volume se fait sans entrave ni temps morts. Scénario et dessin se complètent magnifiquement et donnent à l’ensemble un cachet classique, sans faux pas mais sans surprises non plus. Plaisante, distrayante, la BD donne également à réfléchir sur le sujet traité. Comment aurions-nous réagi si nous avions vécu à cette époque ? Le recul dont nous jouissons oblitère quelque peu le ressenti quotidien des individus contemporains des événements. Les auteurs ont donc le mérite de remettre en perspective cet aspect des choses, sans jamais verser dans la justification.
« Chez Adolf » promet donc une incursion didactique dans une des périodes les plus bouleversées du XX° siècle et s’adresse à tout public.