Farris, Peter
Policier & Thriller
Gallmeister, Neonoir, 2017, 272 pages, 20.5 €
🙂 🙂 🙂 Résistance inattendue - critique complète
Sans doute que si Maya avait été une fille parmi toutes ces autres filles que Mexico mettait en location, une « normale », une bonne gagneuse qui faisait le job, elle n’aurait pas eu tous ces tueurs à ses trousses. Le problème c’est que Maya était la préférée du maire, ami de Mexico et qu’à eux deux, ils s’en mettaient plein les poches à coup de juteuses opérations immobilières irrégulières. Le second problème, c’est que le maire ne pouvait pas la fermer et que, conséquemment, en prenant la tangente, Maya emportait avec elle des secrets à même de compromettre les opérations des deux malfrats. D’où les tueurs, d’où la fuite éperdue de la gamine, 18 ans à peine et qui n’avait connu depuis plusieurs années que violence et abus. Le hasard la conduit à la ferme de Leonard Moye, un type pas bavard (sauf avec un mannequin qu’il semble prendre pour sa femme) et qui ne supporte pas les étrangers sur son domaine. Entre le paysan solitaire et la jeune femme apeurée, un courant silencieux, fait de compréhension et de respect va pourtant vite s’établir, Leonard assurant la protection de Maya, Maya lui offrant une nouvelle raison de se lever le matin.
Deuxième polar pour Peter Farris, après « Dernier appel pour les vivants » dont nous avions déjà dit le plus grand bien. L’évolution est notable : si Farris se consacre encore à l’Amérique profonde, rurale, là où les croyances populaires ont la peau dure et où l’autorité d’un flic a encore bien du mal à s’affirmer auprès de durs à cuire tels que Leonard, son intrigue se révèle nettement plus resserrée, construite sur une ligne bien plus droite et qui évite tout fil secondaire pouvant nuire à sa lisibilité. D’un côté, les crapules exploitant les plus faibles et les éliminant sans remords si besoin est, et de l’autre, deux personnages emblématiques de ce que peut être une vie « en-dehors » des sentiers les plus fréquentés. Maya d’abord, exploitée depuis son plus jeune âge et tout-à-coup décidée à ne plus être un objet, méfiante et taiseuse mais sachant également se reconnaître une fraternité avec Leonard. Leonard donc, d’apparence excentrique mais parfaitement au clair avec lui-même, retranché dans sa solitude par choix et répondant à son propre code moral, assez simple mais à l’épreuve de tout doute existentiel. Deux personnages destinés à se rencontrer et à s’épauler dans un tourbillon de violence qu’ils préfèreraient éviter, mais dans lequel ils devront plonger pour rester en vie. Polar noir et sanglant, virevoltant d’action et parfaitement crédible, « Le diable en personne » pose la deuxième pierre extrêmement convaincante de l’œuvre de Farris.