Chambres noires

Giebel, Karine
Policier & Thriller
Paris : Belfond, 2020, 272 pages, 18 €

🙂 🙂 🙂 Panic room

  • Le vieux fusil
Martin, homme et mari peu scrupuleux, est kidnappé et enfermé dans un lieu clos, froid et humide dont personne, sauf ses ravisseurs, ne connaît l’adresse. Condamné à purger une peine qui aurait dû être octroyée par le système judiciaire trop laxiste, il le sera autrement et cruellement par la volonté d’autres, assoiffés de justice et par son propre égoïsme.
Une première nouvelle courte et violente dès les premières lignes. Le décor est campé pour la suite ! Plus qu’à s’accrocher pour ne pas perdre pied et sombrer dans ce monde criant de vérité.
  • L’armée des ombres

4 personnages, 4 destins…

Mathilde (sur)vit en enchaînant les heures et les petits boulots afin de pouvoir donner à sa fille Chloé, une vie normale. Elle rêve de trouver un logement pour pouvoir l’extraire de ce beau-frère qu’« elle ne sent pas », pour pouvoir dormir ailleurs que dans sa voiture et cesser enfin les nuitées dans des hôtels pourris. Etienne est un homme âgé, seul et triste depuis que sa femme est morte et que sa fille ne vient plus le voir. « Et puis, de temps en temps, M. Rivet attend la mort ». Mais, Mathilde est son rayon de soleil et quand il comprend la situation dans laquelle elle se trouve, il s’organise pour permettre à cette mère et sa fille de retrouver une vie plus digne.
Sans aucun doute le premier moment de douceur dans la froideur de cette nouvelle glaçante de vérité sur fond de misère sociale.
Rosetta, 20 ans, a vécu l’horreur en Afrique. En arrivant en France, elle espérait une vie plus douce. Elle aussi, se crève pour vivre et faire vivre les siens mais à quel prix ? Et comment faire pour supporter de telles mutilations du corps et de l’esprit ?
Habib, l’employeur, le profiteur, le voleur de vie, le menteur. S’en sortira-t-il mieux que les autres ou subira-t-il, lui aussi, une certaine forme de violence, de vengeance ?
Une nouvelle poignante, qui prend aux tripes tant elle reflète une réalité sociale affligeante et cruelle. Les personnages sont attachants et leur souffrance est décrite avec une telle véracité dans les émotions qu’elle provoque, qu’elle ne peut laisser indifférent.
  • Un monde parfait
Axel emmène sa femme et son fils en vacances dans une magnifique maison avec piscine, cadeau payé par ses beaux-parents à leur fille, sûrement pour lui rappeler qu’il n’est pas capable d’en faire autant.
C’est sûr, ces quelques jours ne pourront être que… l’enfer au paradis !
La colère a engendré la violence, celle connue de toujours. L’enfermement qui en découle amène les visions cauchemardesques et l’impuissance à protéger les êtres les plus chers.
« Absence d’horizon, absence d’espoir »
  • Au revoir les enfants
C’est l’histoire d’Yvonne, qui nous décrit, avec nostalgie, sa vie d’avant la maison médicalisée, celle où elle était heureuse avec Michel, son mari, dans leur jolie maison de campagne et son magnifique jardin.
C’est aussi un retour en arrière sur un pan de vie plus noir, celui de sa jeunesse durant la guerre, les risques pris dans la résistance, la violence subie par les nazis, les humiliations, les coups, …
Tout cela, sur fond de confinement imminent pour cause de covid-19 et de décès dans la souffrance et la solitude.
« Me vient alors une pensée horrible. Aujourd’hui encore, on fait le tri »
Dans cette nouvelle riche en émotions, on retrouve malgré tout l’amitié, les liens familiaux mais aussi le respect de certaines valeurs et notamment celle de ceux qui ont mis leur vie en péril pour sauver des vies innocentes.
Une fois de plus, Karine Giebel fait frissonner mais…pas de plaisir !
Les titres de grands succès cinématographiques en dit long sur ce que l’on va découvrir et lire avec horreur.
Les thèmes abordés dans ce recueil obligent les lecteurs que nous sommes à sortir de leur confort pour ouvrir les yeux sur un monde où l’âme humaine est décrite dans sa pure cruauté, dans ce qu’elle peut imaginer de pire pour se protéger quitte à en enfoncer d’autres dans les bas-fonds de l’enfer.

Injustice

 L’injustice du système judiciaire sensé punir les coupables à une peine équivoque face à leurs crimes mais qui, finalement, réduit les peines à peaux de balles, laissant les victimes et leurs proches dans un désarroi pouvant les amener à faire justice eux-mêmes.
L’injustice sociale, celle où l’on contraint les plus pauvres à l’être encore plus et les plus riches à en profiter pleinement. Celle de la violence gratuite, du harcèlement sexuel, de la prédation sexuelle sur mineur, celle de la mort gratuite sans états d’âmes, celle de ceux et celles qui essayent de s’en sortir dans un nouveau pays alors qu’ils croyaient avoir fui le pire. « Elle s’est donné la mort dans le local à poubelle. Comme si sa place était là. »

Enfermement

L’enfermement dans les mensonges, dans une vie reprise comme si rien de grave ne l’avait ébranlée, l’enferment d’un système qui étouffe, l’enfermement carcéral parce que la colère a fait place à la violence et même à une certaine forme de paranoïa, l’enfermement après une vie de labeur où il faut abandonner tout ce qui vous est cher parce que la vieillesse en a décidé ainsi.

Extermination

Celle vécue par de nombreuses personnes innocentes durant la guerre 39-45 et décrite dans la dernière nouvelle par Yvonne, résistante, qui a résisté à la barbarie et au gazage mais qui n’a pas résisté au covid-19 et qui subit l’extermination à son tour, par manque de moyens médicaux.

Solitude

Celle de tout un chacun provoquée par les différentes expériences de vie avec ou sans résilience, avec ou sans culpabilité, avec ou sans possibilité d’en sortir, avec ou sans crainte de la supporter, de la subir, de la vivre …
Une fois de plus, Karine Giebel nous emmène au plus loin des profondeurs de l’âme humaine, entre perversion, mensonges, injustices et j’en passe tant cet ouvrage est poignant, irritant, contraignant dans sa cruelle réalité.

Ames sensibles, s’abstenir !

J’avais découvert cette auteure durant le premier confinement avec Ce que tu as fait de moi et m’étais promis de continuer à lire ses œuvres et c’est ce que je ferai mais…à petites doses tant ses écrits ne laissent pas indifférents et tant on n’en sort pas indemnes…
Pour terminer Chambres noires, Karine Giebel nous offre 4 nouvelles :
Sentence, nouvelle écrite durant le confinement et publiée dans Des mots par la fenêtre (12-21), au profit de la Fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France.
Dans les bras des étoiles, Les hommes du soir, L’escalier, parues dans Treize à table ! (Pocket), au profit des Restos du Cœur.
Quatre destinées…. Tristes à mourir…
Tristes réalités…A découvrir….
Hélène Monin

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