Atwood, Margaret ; traduit de l’anglais par Michèle Albaret-Maatsch
Littérature générale
Paris : 10/18, 2020, 662 pages, 8.80 € (Domaine étranger)
🙂 🙂 Une histoire canadienne
A plus de 80 ans, Iris Chase se remémore son enfance et sa jeunesse aux côtés de sa sœur Laura, puis son mariage avec un riche industriel. Elle tient à raconter cette existence semée de drames pour sa petite-fille Sabrina, qu’elle n’a plus vue depuis longtemps.
Laura s’est tuée en voiture, délibérément, 10 jours après la fin de la guerre, il y a 50 ans. Elle avait 25 ans. Iris nous dévoile peu à peu pourquoi.
Construction narrative triple
Belle réédition que celle de ce roman de l’auteure canadienne, paru en 2000. Margaret Atwood y brasse cette fois encore des destinées féminines, bien ancrées dans leur contexte historique. « Le tueur aveugle » s’étend sur près d’un siècle.
Elle mêle trois récits distincts, qui s’alternent de façon irrégulière : des coupures de journaux relatent faits et gestes de la famille de Griffin Chase, l’industriel à présent décédé. De larges extraits du roman de Laura, paru à titre posthume. Un roman d’anticipation sulfureux, dont le titre est « Le tueur aveugle ». Et le récit autobiographique d’Iris.
Cette construction narrative dynamise notre attention, qui doit tout de même tenir sur 660 pages. Sans compter la construction d’une histoire dans le roman SF de Laura : une mise en abyme ingénieuse.
Iris est une vieille dame malicieuse, et son écriture se fait volontiers caustique et facétieuse. Sous ses artifices de senior (chaussures orthopédiques, coiffure récalcitrante, vêtements aux tons compassés, corps parfois défaillant), se cache un esprit vif.
Très tôt, Iris s’est montrée intelligente et mâture, notamment lors du décès prématuré de leur mère. Laura a toujours été une enfant plus sensible et fantasque. Le mariage arrangé d’Iris change la donne, et c’est Laura qui prend son envol, tandis qu’Iris est sous la coupe de la famille Griffin. Suivre ces deux destins bien définis psychologiquement rend la lecture intéressante.
Roman sur la vieillesse
Margaret Atwood réussit à dresser le portrait, non dénué de vitriol, d’une vieille femme que le destin n’a pas épargnée. Avec, au final, une solitude narrée sans complaisance. « Le tuteur aveugle » a reçu le Man Booker Prize.