Paris : Fleuve éditions, 2021 ; 173 pages, 14,90 €
🙂 🙂 Les tribulations d’une égoïste nymphomane
C’est à Pascal, son mari, qu’est revenue la tâche de lui annoncer la terrible nouvelle : François s’était suicidé, dans sa baignoire. François était l’amant de Laure depuis de nombreuses années et Pascal, le doux, le gentil, le réellement amoureux de Laure, le savait et laissait faire. Les voici donc tous les deux en route vers la maison du défunt pour présenter leurs condoléances à la famille (François, avec le temps, était devenu l’ami de Pascal). Là-bas, la situation s’envenime rapidement et ne cessera de dégénérer tout au long des 173 pages de ce roman loufoque et parfaitement irrespectueux des convenances sociales (surtout de celles de notre époque consensuelle et politiquement correcte à l’excès). Certains, comme votre serviteur, s’en réjouiront, d’autres n’y verront qu’une succession de scènes improbables, une non-intrigue sans queue ni tête, plombée de plus par un langage grossier.
Laure s’en sort toujours
Rédigé à la première personne, « Arrête ton cirque » nous entraîne à la suite de son personnage principal, Laure, dont le caractère égocentrique, enjôleur, nymphomane et foldingue teinte chacune des scènes du récit d’une atmosphère déjantée. Vous êtes donc prévenus : ne cherchez pas ici d’intrigue policière carrée et logique. On suit Laure d’une scène mélodramatique à une autre, son égoïsme nous ravissant souvent, nous énervant parfois ; à chaque situation improbable et inextricable dans laquelle elle s’empêtre, nous nous demandons comment elle va s’en sortir, ce à quoi elle arrive néanmoins à chaque fois, mais là aussi, soyez prévenus : au temps pour la cohérence et la crédibilité ! Et pourtant, pourtant, ça marche, ces 170 pages pleines de douteuses tribulations se lisent quasiment au rythme trépidant de l’histoire qu’elles nous racontent. Portées par leur style inventif et leur vocabulaire riche (et délicieusement inconvenant), elles ont enchanté notre journée. Sans doute parce qu’Odile Baltar, la jeune autrice belge de ce qui est ici son premier roman publié, a le chic de truffer son invraisemblable récit de petites phrases d’une « légère profondeur », à la fois drôles et subtiles telles que « Dans le pré, il y avait plus de bouses séchées que d’herbe à brouter : une métaphore de la vie ». Nous vous laissons la joie de déceler les autres. Jouissif et rafraichissant, un roman qui réactivera vos zygomatiques.