Semia

Gloaguen, Audrey
Policier & Thriller
Paris : Gallimard, 2022, 542 pages, 21 € (Série noire)

🙂 Les trois pendus du centre commercial

C’est une ambiance de pré-panique qui règne au Ministère de l’Intérieur : alors que plusieurs grèves sauvages éclatent dans le pays, les corps de trois personnes -apparemment suicidées- sont retrouvés, pendus, dans un centre commercial parisien. Jan Nowak, le flic envoyé avec la bénédiction du Ministère, est décrit par ses collègues comme quelqu’un qui n’aime personne et que personne n’aime, un psychopathe qui se nourrit de Coca zéro, de Curly et de scènes de crime. De fait, lorsqu’il arrive dans le centre commercial, Nowak avoue ressentir une forme d’extase.
À Paris toujours, Manhattan Caplan, une jeune journaliste attachée à un média plutôt racoleur, comprend que son patron envisage de se séparer d’elle. En plein divorce avec un futur ex-mari qui n’entend pas lui laisser la garde partagée de leur enfant, Caplan sent le sol se dérober sous pieds. Pour remonter la pente et gagner du crédit auprès de son patron, elle décide de se pencher sur l’affaire des trois pendus. Son enquête la conduira à rencontrer Nowak le cinglé, à remonter le fil d’organisations japonaises prônant le suicide collectif pour aboutir finalement à un système informatique dès plus intrusifs qui intéresse jusqu’au plus hautes sphères de l’État.

Dans l’enfer de la course à l’audience

Premier roman pour Audrey Gloaguen, une ancienne journaliste, toujours réalisatrice de documentaires télé, « Semia » arrive nous passionner très vite, par ses personnages bien campés, originaux et par les différents milieux professionnels mis en scène. On y suit les rivalités entre flics bien sûr, on évoque les politiques et le monde économique et surtout, on plonge dans l’enfer de la course à l’audience et du racolage menée par certains médias. Là aussi, c’est évidemment l’humain qui trinque, aucun passage à vide n’est toléré, il s’agit de ramener de la matière, du croustillant, du sensationnel. L’enquête sur les trois pendus prend plusieurs directions, selon que nous suivions le policier ou la journaliste, cette dernière alimentant également fortement -parfois trop- la toile de fond du roman par les aléas de sa vie privée et professionnelle. Passés les deux premiers tiers assez haletants, l’intrigue s’essouffle quelque peu, les pérégrinations asiatiques de Caplan nous ont paru prendre trop de place, les prises de position distillées par l’autrice (sur les conditions de travail des « petites gens » par exemple) amenées trop artificiellement et le final prenant une dimension par trop heureuse. Un bon premier roman néanmoins, qui aurait sans doute mérité quelques resserrements, et qui annonce peut-être une nouvelle voix qui comptera à la Série noire.
Nicolas Fanuel

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