Devenu une star du journalisme à Washington, Mashall McEwan rejoint sa ville natale de Bienville, Mississipi, lorsqu’il apprend que son père est mourant. Il est à peine installé qu’il retrouve son amour de jeunesse, Jet Matheson, avec qui il entame sans tarder une liaison clandestine. Jet est mariée à un ancien ami de Marshall et est la belle-fille de Max Matheson, puissant homme d’affaires et membre d’un club très privé de notablesdirigeant la ville en sous-main, le « Poker Club ». Le club est à l’origine du projet d’installation d’une usine à papier flambant neuve, qui pourrait potentiellement sortir la population de Bienville d’années de marasme économique. Poussée par des investisseurs chinois, l’implantation de l’usine posait question à Buck Ferris, instituteur retraité et archéologue amateur. Celui-ci soupçonnait diverses malversations destinées à cacher que le site choisi pour la construction était un ancien cimetière indien. Père de substitution pour Marshall, Buck n’est autre que la première victime d’une série de meurtres qui vont émailler ce long roman.
Corruption à tous les étages
Après sa trilogie « Natchez Burning » (dont nous vous avions dit le plus grand bien dans cette chronique par exemple), Greg Iles s’enracine un peu plus dans le Mississippi pour y situer sa nouvelle intrigue. S’il donne ici un petit écho aux événements racontés dans la trilogie, Iles creuse certains thèmes qui y étaient également abordés : son attachement à une presse libre et capable de jouer son rôle de quatrième pouvoir (Marshall va ranimer le journal local créé par son père et s’en servir dans sa lutte contre ses ennemis), la corruption et la mainmise de certaines élites auto-désignées sur des régions entières, le racisme et l’importance des liens familiaux. Solidement campés et crédibles, les personnages se révèlent nombreux et les principaux d’entre eux voient chacun leur passé respectif quasiment disséqué tout au long des 200 premières pages qui, il faut le reconnaître, nous ont parues parfois un peu lourdes, tant la somme de malheurs accumulés sur la tête de ceux-ci et sensée expliquer leur comportement par la suite nous a parue excessive. On parle ici de perte d’enfants, de viols, de maris violents et autres adolescents brimés : la barque nous a parue bien chargée et le soulagement de voir l’intrigue prendre un véritable rythme de croisière après cette longue introduction fut grand. Passé ce cap, nous avons retrouvé avec plaisir cette capacité de I’auteur à instiller de la tension, de la nervosité et du suspense rien qu’en balançant des dialogues percutants. Moins original (une clique d’arrivistes face à un journaliste déterminé) et parfois plus rocambolesque (le côté montagnes russes de la liaison Marshall/Jet) que la trilogie, «Cemetery road » frappe néanmoins par son actualité et sa lucidité (« la corruption fait partie intégrante du capitalisme [c’est un] lubrifiant nécessaire pour que la machine fonctionne. Étant donné la nature humaine […] parce que c’est la force motrice du capitalisme : la cupidité ») et arrive à capter toute notre attention, notamment grâce aux brusques coups d’accélérateur que l’auteur imprime à son histoire et aux irruptions imprévues de violence qui la parsèment.