Qiu Xiaolong; traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Adélaïde Pralon
Policier & Thriller
Liana Lévy, 2018, 246 pages, 19 €
🙂 🙂 Un brouillard révélateur
Alors que Shanghai sombre dans un smog persistant, de nombreux citoyens s’interrogent sur le Web. D’autant que les plus nantis s’équipent de purificateurs d’air, sans vouloir régler le problème de pollution à sa source. Un groupe d’activistes écologiques s’exprime en la personne de Shanshan, ou Yuan Jing, de son pseudo 2.0. Chercher à éveiller les consciences en Chine n’est jamais bon, et le Parti somme l’inspecteur Chen d’enquêter sur Shanshan et sur les activités du groupuscule. L’inspecteur, toujours à la tête des Brigades spéciales, a bien connu cette journaliste (« Les courants fourbes du Lac Tai », 2010). Ils ont même été amants. Le Parti sait pertinemment que Shanshan servait de muse à Chen pour ses poèmes.
Parallèlement, le numéro un de la police de Shanghai fait appel à Chen et à son coéquipier Yu pour collaborer en tant qu’observateurs à une enquête policière. Un tueur en série sévirait en ville. Quatre corps ont déjà été trouvés : une aide de nuit à l’hôpital, un présentateur météo, une agente immobilière et une journaliste, tous frappés à la tête en pleine rue. Autre point commun : un masque anti-pollution jaune a été retrouvé auprès de chacune des victimes.
Chen se trouve en position délicate : il est sur liste noire parce que ses enquêtes ont révélé plusieurs fois la corruption qui régnait dans les hautes sphères du pays. En ville, il est réputé honnête et efficace, et son licenciement n’attirerait pas la sympathie sur le Parti. Il est ainsi tenu à l’écart d’affaires dites sensibles (ce qui paraît paradoxal au vu des affaires confiées). Mais la pression est telle sur les épaules du chef de la police que le légendaire Chen est devenu indispensable.
La pollution est donc au cœur de la nouvelle intrigue mettant en scène l’inspecteur Chen. Qiu Xiaolong nous offre donc une intrigue malheureusement bien d’actualité. Il nous montre avec brio combien la censure est présente dans son pays d’origine (Qiu Xiaolong vit à présent aux Etats-Unis). A l’instar du polar suédois, initié dans les années septante par le duo Sjöwall et Walhöö, il utilise un personnage de policier récurrent pour parler de la politique de son pays natal. Il rend également bien compte de la réalité d’une brigade de police, avec ses contraintes et ses enjeux. Un auteur indispensable, et dont l’intrigue se lit avec un réel plaisir.