Cent cinquante ans les séparent, mais elles vivent le même cauchemar…
Violoniste à l’aube d’une belle carrière, Emilie souffre de troubles bipolaires. Après une tentative de suicide, elle est hospitalisée, puis internée dans un service psychiatrique. En dépit de ses protestations, la voici traitée comme une criminelle, gavée de médicaments, privée des libertés les plus élémentaires, coupée du monde. Et de surcroît, en butte au harcèlement du sinistre docteur Sharp. Pour ne pas basculer dans la folie, elle entreprend de consigner le quotidien de sa détention. Et découvre dans son petit carnet noir le message de détresse d’une jeune femme séquestrée dans un asile de fousde l’Angleterre victorienne. Une Emily qui lui ressemble en tous points. Une porte sur un autre monde s’est ouverte, un monde étrange où fleurissent les idylles entre détenues, où les spectres bruissent sous le papier peint, où des rats de haute éducation s’expriment dans une langue des plus châtiée. Réalité, ou divagations ? (Quatrième de couverture)
Folie et cruauté
Pour parler de ce roman, il va falloir décortiquer certains éléments.
Pour commencer, le terme « Asylum » qui n’est pas anodin. La traduction exacte est « asile ». Dans le résumé français on voit apparaître le terme hôpital psychiatrique qui est, le terme « à la mode » pour ce type d’endroit. Un endroit où on enferme les fous. Il faut également savoir que le titre complet de l’œuvre est : « The Asylum for Wayward Victorian Girls ». Il s’agit d’un mélange d’autobiographie et de thriller psychologique. A l’origine, ce livre a été publié en 2009. Emilie Autumn Liddell, née en 1979, est américaine, chanteuse-compositrice, poète, violoniste et actrice. Elle est fortement influencée par le glam rock et l’ère Victorienne. Elle est connue dans le milieu par un signe distinctif : un dessin de cœur sur sa joue comme symbole de protection. Elle est atteinte de troubles bipolaires, dont elle parle dans certaines interviews. Elle a écrit ce livre, en le publiant à son compte en 2010. Se basant sur son propre vécu, elle est persuadée que la publication de celui-ci a été retardée à cause de l’implication clairement autobiographique du récit. Elle dit également que le message principal du récit est que beaucoup de patients ne sont pas fous et que le sujet des maladies mentales reste incompris. Son parcours étant extraordinaire, je ne peux que vous conseiller d’aller sur son site web : https://www.emilieautumn.com/
Les troubles bipolaires sont considérés comme des troubles de l’humeur, avec pour exemple la dépression récurrente. Le problème de cette maladie, dans la forme la plus typique comporte deux phases : la phase maniaque et la phase dépressive. Les causes restent inconnues à ce jour, mais il semble que cette maladie peut se déclarer avec une combinaison de facteurs génétiques et environnementaux. La perte de réalité reste également un des symptômes fréquents avec le manque d’énergie, le désintérêt des activités quotidiennes et des phases dépressives s’accompagnant de pensées suicidaires.
Voici les éléments dont il fallait absolument parler avant de rentrer dans le récit en tant que tel. On commence comme annoncé, en suivant Emilie qui après une tentative de suicide est hospitalisée puis internée dans un service psychiatrique. Elle s’est presque présentée d’elle-même, consciente de ses problèmes. Elle réalise cependant qu’elle risque d’être coupée de tout. Ce qu’elle veut c’est écrire, ce qu’on finit par lui accorder en lui rendant son carnet. Elle nous parle de ses pensées, ses doutes, ses paranoïas. On la voit évoluer entre son hospitalisation et le moment où elle passe dans une aile qui ne convient pas à ses troubles. C’est à ce moment-là seulement qu’elle récupère son carnet et trouve le journal d’une jeune femme appelée Emily qui est séquestrée dans un asile de fous de l’Angleterre victorienne.
Dans la partie contemporaine, il y a peu de personnages : Emilie (le personnage principal), Chloe une internée envoyée en thérapie électrique, Kara une accro à la drogue, Violet une victime d’abus sexuels, Dr. Sharpe un psychiatre montrant un intérêt certain pour Emilie. On se concentre vraiment sur elle. On se rend compte qu’elle est perdue, déstabilisée et ancrée dans sa folie. En poussant loin la recherche, on apprend que les pages constituant le journal d’Emilie dans Asylum, sont des pages écrites par Emilie Autumn lors de son internement. Et cela n’a rien d’étonnant. On ressent cette authenticitédans le récit. Ce petit je ne sais quoi qui donne une dimension et une crédibilité à l’œuvre.
Dans l’époque Victorienne, nous rencontrons plus de personnages. Emily (elle a les cheveux rouges, son surnom est Valentine à cause d’une cicatrice en forme de cœur sur sa joue), Dr. Stockill (le médecin de l’asile, intéressant dans la création de composants toxiques et dans l’administration de ses décoctions tests aux internées), Madame Mournington (directrice de l’Asile, mère du Dr. Stockill), le Comte de Rothsberg, Anne, Thomson, Sir Edward, Basil, Christelle, etc. Emily née dans une famille pauvre est achetée pour intégrer une école ou elle est formée au violon et aux bonnes manières. L’éducation dans l’école de ces jeunes filles est stricte. En atteignant un certain âge, elles finissent toutes par disparaître. Emily découvrira dans l’horreur ce qu’il advient lorsqu’elles quittent le nid. Elles sont achetées par des gens fortunés pour leurs distractions. C’est lorsqu’elle parvient à s’échapper de cette emprise qu’elle est malheureusement rattrapée et enfermée dans l’asile pour les jeunes filles rebelles. Et son cauchemar n’aura pas de fin.
Quelle dualité. Deux personnalités. Deux époques, deux récits. Et pourtant, Emilie et Emily ne semblent-elles pas être les mêmes personnes ? Une belle plongée dans la folie et dans un monde où l’on torture des jeunes filles pour des maladies qui n’existent pas.
En lisant le livre, on veut découvrir l’inspiration de l’auteure, puis l’auteure elle-même. C’est un beau plongeon qu’il faut avoir la curiosité de faire. Très prenant, réaliste et angoissant.