Zabus, Vincent (scénario) ; Campi, Thomas (dessin et couleur)
Bande dessinée
Paris : Delcourt, 2021, 77 pages, 18.95 €
🙂 🙂 Parcours d'un arriviste
Bruxelles, fin 1957. Alors que la capitale belge se prépare à accueillir l’exposition universelle, Louis Dansart rumine sa condition d’étudiant en dernière année de droit. Rumine aussi son statut de petit provincial sans-le-sou à Bruxelles. Il a l’impression que tout le monde, du moindre passant croisé en rue au plus insignifiant serveur de café, que tous reniflent véritablement son odeur de provincialmal lavé. Que tous, hommes et femmes, le regardent avec mépris au mieux, avec pitié au pire. Lui, il se rêve bourgeois respecté, bien habillé et intégré au club des décideurs. Un soir, alors qu’il travaille comme serveur dans une de ces soirées huppées auquel il aimerait tant participer en tant qu’invité, un étrange personnage lui propose de gagner de l’argent d’une manière qui répugne à Louis. Dans un premier temps en tous cas.
Un certain goût pour la décadence
Parcours d’un arriviste dans le Bruxelles des années ’50. Derrière les fenêtres calfeutrées d’immeubles discrets et cossus se donnent des fêtes durant lesquelles un certain goût pour la décadence se marie avec le sens des affaires et des manipulations politico-judiciaires. Les ennuis se balaient sous le tapis comme de bien insignifiantes poussières. On n’est gênés de rien. Si vraiment on sait qu’on va dépasser les bornes, on porte un masque.
Une amertume qui se déguste
L’exemple de Louis, qui commence par faire fructifier son capital physique auprès de sexagénaires en manque et qui finit par s’enfoncer toujours un peu plus dans l’abjection, illustre un arrivisme de tout temps. Le Rastignac de Balzac nous vient en premier à l’esprit, mais il ne faut pas creuser beaucoup pour trouver des exemples plus actuels. Essayez, vous verrez. Alors oui, « Autopsie d’un imposteur » nous offre la saisissante peinture d’une époque et d’un personnage, notamment grâce aux dessins semi-réalistes et aux couleurs chaudes de l’italien Thomas Campi (ce dernier nous paraît incarner le chainon manquant entre David Blain et Myles Hyman, excusez du peu), mais le côté universel du récit ne saurait nous échapper. La motivation du personnage principal -le fric, l’apparence, le pouvoir- est plus que jamais un des moteurs de notre époque. Et nous connaissons tous des Louis l’imposteur. Voilà donc un récit glaçant, aux propos et personnage intemporels, qui laisse en bouche une amertume qui se déguste et dont on retient la leçon. Bravo !