La trentaine, Anna, journaliste sans le sou, décide d’embarquer sur le Yupik, un voilier spécialement conçu pour naviguer en eaux polaires, afin de couvrir au quotidien le périple d’une équipe de scientifiques français. Le but de l’expédition, « étudier le plancton, le climat, le pergélisol et tout un tas d’autres choses encore », va toutefois rapidement se voir supplanter par une série d’embûches politiques, militaires et policières d’abord (le navire doit démarrer de Sibérie, soit en territoire Russe), puis par des rencontres imprévues sur la banquise et la résolution d’avanies techniques. Chaque membre de la petite équipe traîne un passé -et celui d’Anna n’est sans doute pas le plus léger- qu’il espère sans doute enfouir dans les glaces sibériennes. Petit groupe, lieu unique et de plus en plus hermétique, nature sauvage et qui réserve quelques surprises non sans danger : un décor et un début d’intrigue au potentiel frissonnant non sans intérêt.
Pour lecteurs occasionnels
Avouons-le, durant la très grosse première moitié -quasi les deux tiers même- on se laisse effectivement prendre par la tension insufflée par Patrice Gain, on accorde de la crédibilité à ses personnages et à son intrigue. Les relations « anormales » -harcèlement, machisme, manipulation mentale- qui relient certains personnages nous ont parues sonner juste, sans excès et en accord avec le cadre angoissant du récit : le bateau d’apparence fragile, le froid, les glaces qui l’enserrent progressivement, la banquise toujours brumeuse. Hélas, passé ces pages de mise en place et de premières péripéties, l’intrigue semble échapper à son auteur. À partir des premières pages marquant le dernier tiers de son récit, les découvertes scientifiques prometteuses, les morts mystérieuses, les intrusions dans le domaine politique, les abus policiers et les préoccupations environnementales, tous ces éléments se délitent et ne trouvent plus de place dans un dénouement final qui se résume à la (trop) longue quête de vérité de Anne sur son passé. Vérité qu’un bon lecteur avait depuis longtemps vue arriver (en espérant secrètement se tromper tant elle lui semblait par trop…classique). Un thriller prometteur, qui se dégonfle sur un final qui aurait mérité une prise en main par son éditeur, et qui pourra plaire aux lecteurs occasionnels.