Alors qu’en Belgique un tueur sanguinaire s’évade de sa prison au prix d’un massacre abominable, de l’autre côté de la frontière, le lieutenant Dapper se remet difficilement d’une douloureuse affaire d’enlèvement. Au terme de celle-ci, il avait fini par comprendre que le médecin-chef de l’hôpital psychiatrique de la ville, le docteur Tristan, était en fait son père. Connu pour ses méthodes peu orthodoxes, manipulateur narcissique, le médecin entretenait avec ses malades des relations pour le moins troubles. L’un deux, le jeune Ilyas, semblait bénéficier d’un certain favoritisme de sa part. Des événements malsains s’étaient déroulés dans la ville et Dapper soupçonnait que Tristan avait, d’une manière ou d’une autre, couvert Ilyas.
Conclusion définitive
À présent, l’affaire de l’enlèvement était derrière eux, mais le médecin, pour une raison que Dapper ne pouvait comprendre, avait mis fin à ses jours, assez brutalement d’ailleurs, et non sans avoir laissé derrière lui un dernier cadeau empoisonné : avant son suicide, il avait légué l’hôpital et toute sa fortune au propre fils de Dapper, un écolier également impliqué dans les évènements qui avaient secoué la ville.
Ces différentes épreuves composaient la trame des deux précédents polars de Gilles Sebhan, « Cirque mort » et « La folie Tristan », tous deux également publiés au Rouergue et dont les intrigues trouvent avec « Feu le royaume » une conclusion définitive.
La charge du passé
Pour une appréhension parfaite de ce dernier volume, nous ne saurions trop vous conseiller de lire les deux premiers : sinon, comment comprendre les ressorts qui animent les différents personnages, les liens entre eux, par exemple entre Dapper et son épouse, entre Dapper et son fils, entre Ilyas et les autres pensionnaires ? Comment voir avec justesse la charge du passé, ces non-dits de la relation entre Dapper, son fils et Tristan, qui pourrissent encore ici la vie des deux survivants ?
Alors que le policier tente de retrouver une certaine paix après la mort de Tristan, il se rend compte que l’affaire de l’évasion sanglante survenue en Belgique le touche de près, et c’est avec l’aide d’un confrère belge qu’il va tenter d’empêcher un nouveau regain de violence dans sa ville.
Sortir du confort
Nombreux événements et nombreux personnages pour ce pourtant court roman – à peine 179 pages- découpé en brefs chapitres animés par un phrasé rapide, presque sec et pourtant très évocateur. Sous la plume de Gilles Sebhan, les personnages semblent presque froids et dépourvus de sentiments. Pour certains d’entre eux -le fils de Dapper ou Ilyas par exemple- le diagnostic n’est pas entièrement sans fondement tant ils paraissent peu touchés par les évènements qu’ils vivent. Pour les autres, c’est comme s’ils étaient contaminés par l’intrigue glauque, parfois malsaine à laquelle ils se voient malgré eux mêlés. Pas de grands et bons sentiments ici, ni de happy end, juste des faits, une violence qui naît comme spontanément dans une société dont on devine la plus large déliquescence et que certains tentent encore de juguler. Aisément reconnaissables, le style et les intrigues de Gilles Sebhan brillent par leur originalité et leur parfaite homogénéité. Pas de cadeau dans les histoires, ni de repos ou de facilité dans les mots : il faut parfois s’accrocher, mais ceux qui cherchent à sortir de leur confort seront servis.