Jacobsen, Annie ; traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Karine Lalechère
Document
Paris : Denoël, 2024, 388 pages, 23,90 €
🙂 🙂 🙂 On est malbar'
Une lecture qui fait froid dans le dos
Un état voyou a commis l’irréparable : attaquer les Etats-Unis en utilisant l’arme nucléaire. Un des missiles (500 kt) anéantit totalement Washington sur vingt-cinq kilomètres de diamètre tandis qu’un autre, moins puissant, tombe sur une centrale nucléaire en bord d’océan, démultipliant les effets catastrophiques.
Une machinerie incroyable de procédures administratives, politiques et militaires se met aussitôt en branle, et elle démarre quelques secondes à peine après avoir identifié la menace. Il faut avant tout placer le Président en lieu sûr et emporter avec lui quelques figures du gouvernement de manière à assurer une survivance du pouvoir. Il faut ensuite riposter, car dans ce cas d’attaque, c’est la seule défense possible. Et communiquer avec les pays traditionnellement antagonistes, car en prenant connaissance du lancement des missiles américains, ceux-ci pourraient présumer d’une attaque ciblée contre eux. Ensuite, il faudra composer avec les conséquences létales de cette situation, pleurer ses millions de morts, soutenir les survivants, tenter d’offrir une survie à la civilisation. Si cela n’est pas déjà trop tard.
Une fiction basée sur des données empiriques
Attention, ce livre n’est pas un roman. C’est un scénario probable et terriblement envisageable en cas d’agression nucléaire. La géopolitique actuelle fait apparaître la présence, dans des pays déstabilisés, de personnages diablement inquiétants, à de hauts postes dirigeants. Suffisamment despotes, illuminés ou pétris d’orgueil pour décider de pousser sur le bouton rouge et déclencher, même pour des raisons futiles, un conflit nucléaire.
L’auteur part de ce constat pour nous emmener, minute après minute, dans le déroulement du traitement de la menace et ensuite de ses conséquences.
Le texte est donc clairement argumentatif, documentaire et extrêmement précis. Il est d’ailleurs émaillé d’encarts scientifiques ou historiques qui sont autant d’occasions d’expliquer le fonctionnement et les implications de la valise nucléaire (qui contient les codes utiles au déclenchement du feu), de la maladie des rayons, des sous-marins lanceurs d’ogives, etc.
Tout tient à un fil ultra-mince et déjà méchamment effiloché
Depuis les premiers essais nucléaires, le projet Manhattan, puis les tragédies sur Hiroshima et Nagasaki, l’humanité a toujours vécu avec la hantise d’une guerre nucléaire. Celle-ci a d’ailleurs failli bien avoir lieu en 1963 avec la crise de Cuba mais aussi vingt ans plus tard, par une simple erreur d’interprétation de données ! La fin de la guerre froide, suite à la chute du Mur de Berlin et de la désintégration du bloc de l’est, aurait pu apaiser le monde. Mais les pays dotés de l’arme nucléaire possèdent encore assez de missiles pour rayer la Terre du système solaire. La politique de la dissuasion reste toujours aussi prégnante et on se rend compte, finalement, que notre survie tient à un fil.
72 minutes pour mourir
L’étude d’Annie Jacobsen, énorme succès aux Etats-Unis et probable future série sur Netflix, déroule un entrelac de jeux de dominos s’effondrant en cascades, amenant au déclenchement d’un conflit nucléaire international décimant la Terre entière en en peu plus d’une heure !
Cette éventualité est terriblement glaçante ! Elle l’est encore davantage quand on prend conscience que cet enfer pourrait survenir à n’importe quel moment. Demain, peut-être ? Et qu’une fois déclenché, rien, plus rien ne pourrait être entrepris pour éviter le pire. À l’image des missiles qui ne sont ni rappelables, ni interceptables voire même déviables de leur cible, la civilisation humaine courrait à grande vitesse vers une perte inéluctable, où les victimes vaporisées des premiers instants seront considérées comme de sacrées veinardes.