Impact

Rochier, Gilles (scénario) ; Deloupy (dessin )
Bande dessinée
Bruxelles : Casterman, 2021; 99 pages, 18 €

🙂 🙂 🙂 Les embrouilles de la vie

A le voir comme ça, fringant et sûr de lui avec sa clope au bec, on dirait que Jean Pasquier tient la forme. Qu’il entame une retraite prometteuse de beaux jours. Faut dire que son cancer ne s’est déclaré que depuis peu. Mais les toubibs ne lui ont laissé aucun espoir, quelques mois tout au plus avant le dernier round. Alors, plutôt que d’appeler sa fille -la seule famille qu’il lui reste- c’est à Claude, un frère de douleur comme lui, un qui arpente les mêmes couloirs d’hôpital que lui, que Jean va se confier. Car il y a une affaire qui le hante depuis plusieurs années, en lien avec son histoire à lui, Jean. Ouvrier modèle et passionné par son boulot, il s’était vu un matin sommé par sa hiérarchie d’assumer une erreur qu’il n’avait pas commise. Cette injonction, dont le seul intérêt était de protéger un chef d’atelier et de ne pas alerter les actionnaires de l’entreprise, il ne l’encaissera jamais et, un soir d’énervement et de désespoir, un de ces soirs où l’on n’est plus soi-même, il en viendra à commettre l’irréparable.
Parallèlement, c’est une autre descente, tout aussi infernale, que nous suivons par la bouche de Dany, un jeune désœuvré violent, poursuivi en justice pour des affaires de petite délinquance à répétition.  Forcé par son avocat à suivre une thérapie, il va atterrir dans le bureau d’une jeune psychiatre qui, de fil en aiguille, va remonter aux origines de la violence de Dany.

Parfaite dynamique

Scénarisé par Gilles Rochier et mise en image par Deloupy, « Impact » s’impose comme un one-shot rythmé, un polar engagé mettant en scène des personnages crédibles, une intrigue qui éclaire notre temps, tout en assumant son rôle de fiction divertissante : une bonne histoire. Le personnage de Pasquier se révèle très vite touchant ; les auteurs évitent de nous inspirer de la pitié à son égard : il n’est pas mourant dans une chambre d’hôpital de seconde zone. Lorsqu’il raconte comment sa hiérarchie l’a traité, lui l’ouvrier fier et amoureux de son travail, on ne peut empêcher une certaine empathie à son égard. Sa révolte et son désarroi sont les nôtres, tout comme, derrière le personnage violent et paumé de Dany, on voit percer le jeune gars rattrapé par une bêtise de trop et irrémédiablement aspiré par les conséquences de celles-ci. La magie de la fiction sera telle que, bien sûr, les deux affaires finiront par n’en plus faire qu’une, et on y croit parce que parfois, on le sait, la vie peut ménager ce genre d’embrouille tordue. On disait la magie de la fiction, mais il faut ici également compter sur celle du dessin, au réalisme parfaitement adapté à l’intrigue. Avec un format de livre plutôt petit, les planches de Deloupy ne comptent qu’un maximum de 6 cases chacune, alternant, sans jamais nous perdre, flash-back et retour au présent au moyen d’un judicieux jeu sur les couleurs. La dynamique est parfaite, les pages se tournent avec plaisir. De la toute bonne bd !
Nicolas Fanuel

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