Recht, Robin (scénario) & Angotti, Matthieu (dessin), d’après Franz Bartelt
Bande dessinée
Paris : Delcourt, 2020, 151 pages, 18.95 € (Collection Contrebande)
🙂 🙂 : Tel est pris
C’est l’histoire d’un mec…
Rien de tel qu’une bonne histoire, cadrée, linéaire, parsemée de personnages forts en gueule et en manières, manipulés par un destin toujours coquin et retors. Un quidam qui se lève un matin sans savoir que toute sa vie va être bouleversée par un geste, un acte, une action pas vraiment réfléchie, qu’il va commettre au hasard de sa journée.
La série télé des années ‘50 « Alfred Hitchcock présente » a utilisé volontiers ce procédé narratif et bon nombre d’auteurs de la Série Noire ont emprunté le même arc scénaristique, produisant des titres inoubliables, la crème de la collection.
Franz Bartelt aime s’attacher aux petites gens. Il leur témoigne une certaine sympathie et possède une vision lucide et pertinente de leur existence. Il se plaît aussi à les égratigner, ne manquant pas de pointer leurs déviances, leurs utopies et leur insatisfaction permanente.
…et d’un hameçon
Ainsi, ce pauvre homme, bon à rien patenté, qui vient de se faire lourder par sa baronne, lassée d’entretenir ce parasite éternellement fauché.
L’argent, le nerf de la guerre ! S’il n’est pas possible d’en gagner, pourquoi ne pas le subtiliser aux plus nantis ? Il y a ce type, au bar du coin, qui se vante d’en avoir à ne plus savoir qu’en faire, de la thune et il est suffisamment bourré pour ne pas pas repérer notre bonhomme lancé sur sa piste, jusqu’à son petit domaine de banlieue. Une petite effraction, et le tour est joué.
Oui mais…
L’habitant de la maison est un petit malin. Il a monté l’appât de main de maître et, maintenant qu’il a surpris son voleur sur la fait, loin de le dénoncer aux autorités, il ne lui laisse pas d’autre choix que de lui rendre de menus services au sein de la maison. Peut-être même pourra-t-il repartir avec le magot tant convoité.
Le confiné, auquel tout contact avec l’extérieur est interdit, s’aperçoit rapidement que son hôte est pour le moins suspect…La preuve en est, ce cadavre qui pourrit dans sa cave !
Profitant de la visite providentielle d’un plombier puis de la mère de son ravisseur, notre kidnappé tente de sauver sa peau…Mais il se retrouve invariablement contraint de mener à bien les tâches ménagères et de se coltiner le télé achat sur une petite télé.
Syndrome de Stockholm
Au fil du temps, les relations entre les deux hommes trouvent un certain équilibre, l’un appréciant de l’autre son goût pour la bonne poésie. Est-ce par pitié ou culpabilité que le ravisseur lui offre un jour les charmes d’une hôtesse ? Ou s’agirait-il d’un nouvel élément d’un piège qui se referme inexorablement ?
L’adaptation du livre de Bartelt , « Le jardin du bossu » a été menée de main de maître par Matthieu Angotti, ancien collaborateur de Marc Ayrault à Matignon, et Robin Recht, étudiant aux arts décoratifs de Paris. Le duo s’est approprié l’univers noir de l’auteur original en rendant parfaitement tout le cynisme ambiant. Leurs personnages, bruts de décoffrage, sont attachants même par leurs penchants peu avouables et l’humour qui parsème l’oeuvre achève de lui donner un cachet singulier.
« La cage aux cons » est une BD convaincante, aboutie, intelligemment construite et qui, en rendant hommage à un certain Lino Ventura dans son épilogue la rattache admirablement à l’univers des meilleurs polars.