Paris : 10/18, 2021, 304 pages, 8.10 € (Grands détectives)
🙂 🙂 🙂 Qui a tué le géant ?
Dans la région que l’on nomme à présent Quiberon, mais que les premiers sédentaires nommaient La-Forêt-Des-Buttes, le Géant se presse. Ce commerçant voyage de village en village pour vendre ses marchandises contre de la nourriture. Cette fois, il est missionné par les Cultivateurs d’un message de paix à destination des Pêcheurs de la côte.
Hélas, le grand homme ne parviendra jamais jusqu’aux Pêcheurs : il est assassiné dans la forêt. Son corps affreusement mutilé est retrouvé par le fils de Bassan, le chef des Pêcheurs, qui passait son initiation vers l’âge adulte. Or, le Géant était un ami du Pêcheur. La colère de celui-ci est terrible : il faut venger le Géant en tuant les Nomades, ce peuple ennemi qui vit dans la forêt, dans laquelle nul autre n’ose s’aventurer.
Tandis qu’un massacre est sur le point d’avoir lieu, trois femmes s’interposent, sans se concerter : Paruline, la deuxième femme de Bassan le Pêcheur, Lynx, une jeune Nomade prête à défendre les siens, et La Vivace, une Cultivatrice partie sur les traces du Géant.
Trois femmes de peuples aux croyances et coutumes différentes, qui ne se sont jamais côtoyés auparavant. Intelligentes, toutes les trois désirent sauver l’honneur de leur village et acceptent pour maintenir la paix d’enquêter sur la mort du Géant. Mais que se passera-t-il si l’une d’elle s’aperçoit que le meurtrier fait partie de son peuple ?
La Préhistoire en polar
Sophie Marvaud est certes historienne et auteure de romans historiques (et de jeunesse), il paraît difficile d’opérer des choix narratifs pour situer une intrigue dans la Préhistoire. Un sacré défi que la Française avait déjà relevé en 2014 avec « Meurtre chez les Magdaléniens », premier polar préhistorique. Elle récidive en 2015 avec « Le choc de Carnac », qui reçoit le Prix Préhistoire.
Elle nous livre une enquête policière qui tient la route, dans un passé extrêmement lointain mais vivant. L’aspect documentaire est discret. L’auteure esquisse le mode de vie de chacun, du type d’habitation (reflet de l’organisation hiérarchique) aux vêtements en passant par la spiritualité. Elle ne s’y attarde pas via de longs descriptifs, mettant simplement en relief la différence entre trois peuples forcés d’entrer en contact. Dans son épilogue, elle explique certains choix narratifs ou linguistiques, en fonction des informations parvenues jusqu’à nous. Elles sont certes partielles, mais certaines découvertes ou inventions ultérieures permettent d’éviter les anachronismes et de rester cohérente.
La place de la femme est prégnante dans son intrigue, bien entendu. Le personnage de La Vivace est particulièrement touchant : petite femme dévouée à la communauté, qu’un physique ingrat a privé d’intérêt aux yeux des hommes mais aussi d’idées et initiatives personnelles. C’est dire si l’aventure qui se présente à elle à travers l’enquête est d’importance !
Policier au message environnemental et humanitaire
Le lecteur ne manquera pas d’être interpelé par les croyances et agissements des Cultivateurs, versus les Nomades notamment. Les premiers sont arrivés plus tardivement sur ces terres, mais en modifient profondément la structure afin de s’établir avec leurs cultures et leurs animaux domestiques. Les Nomades vivent en harmonie avec la Forêt, dont ils connaissent les ressources. L’arrogance des Cultivateurs surprend les Nomades, qui craignent la colère des Esprits. Notre 21è siècle est encore témoin de cet orgueil. Sophie Marvaud nous livre un message environnemental non appuyé, mais présent. Et, sans rien dévoiler de l’intrigue, on ne peut qu’être sensibilisé au personnage du fils du Pêcheur, dont la destinée finale délivre un merveilleux message d’humanité.
Un très bon titre de la collection « Grands détectives », que nous affectionnons.