Les Déjeuners sur l’Herbe éditions, 2022, 120 pages, 20 €
🙂 🙂 Quelques jours à la Mer du Nord
Un soir de juillet, un homme attend sa maîtresse dans un petit hôtel de la côte belge. Marc Coppens, presque quadragénaire, professeur de français, se demande quelle attitude adopter. Quitter Estelle, cette femme dont il sait si peu, qui dit ne plus aimer son mari tout en continuant à « s’enrober de son parfum et de ses vêtements parce qu’ils la rassurent » ou lui demander de le suivre au Québec, pays où il a obtenu une bourse pour enseigner ? Marc s’ennuie dans son boulot, même s’il y trouve encore quelque satisfaction lorsqu’il arrive à capter l’attention d’un ou d’une élève. Cette année, c’est la jeune Léa, tout juste 19 ans, qui l’a le plus touché par le réel intérêt qu’elle portait à son cours. Elle lui a tenu la tête hors de l’eau en quelque sorte ; Marc envisage même qu’elle ait pu tomber amoureuse de lui, impression confirmée lorsqu’il découvre un petit bristol portant l’adresse et les coordonnées de l’étudiante dans la poche de son manteau. Enfin, son manteau, tout est relatif puisqu’il s’agit de celui que Estelle lui a offert et qui appartenait à son mari. La nuit s’avance, Estelle n’arrive pas. Au matin, c’est la police qui réveille Marc. La voiture d’Estelle a été retrouvée sur le bord d’une route, le cadavre d’un bandit bien connu gisant à quelques mètres. D’Estelle, point de trace.
Un roman d’ambiance
Journaliste pendant plus de trente ans, puis enseignant et travailleur social, Daniel Foucart signe ici son premier roman. L’intrigue nous emmène de La Panne à Dixmude en passant par Ypres, villes dont l’auteur restitue avec talent les ambiances de prime abord austères et la météo tristounette ; les habitants se révèlent tout aussi crédibles : peu causants, d’un naturel méfiant (surtout envers lui, francophone) mais dont certains se dérident avec le temps. Une ambiance à la Simenon -cité dans les pages- transpire de l’intrigue, mais plutôt sous la forme d’une marque de respect ou de filiation peut-être, à des kilomètres en tout cas de toute forme de plagiat, tant le style, l’histoire et les personnages se démarquent de l’univers de l’auteur liégeois. L’intrigue est racontée au présent, du point de vue du personnage principal, Marc Coppens, un gars plutôt désabusé, rétif aux nouvelles technologies, ne possédant même pas de téléphone portable, et dont une des marottes, lorsqu’il est en déplacement, consiste à passer au crible les monuments d’hommage aux soldats disparus pour voir si son nom de famille ne s’y trouve pas. Sincèrement inquiet pour sa maîtresse, Coppens va se retrouver embarqué dans une histoire qui le dépasse, et devoir affronter des personnages (que l’on devine inspirés de figures et des faits réels de l’histoire du banditisme belge) sans scrupules pour faire lui-même la lumière sur la disparition d’Estelle, la police persistant à voir en lui un suspect potentiel. L’histoire principale se voit soutenue par quelques sous-intrigues bienvenues, elles-mêmes habitées de seconds rôles tout aussi soignés dans leur psychologie. Nous avons été séduits par ce roman d’ambiances, à l’intrigue joliment et parfois joyeusement menée, qui se reflèterait parfaitement dans le gris-bleu de la Mer du Nord.
Précisons qu’il s’agit d’un roman publié par un « petit éditeur » belge, « Les Déjeuners sur l’herbe », et remarquons le soin apporté à la présentation, à la typo très lisible et à la qualité du papier. Respect.