Un premier roman prometteur, signé Frédéric L’homme, un auteur français né en 1976, qui nous place d’emblée au cœur d’un univers très personnel, légèrement uchronique, teinté de mélancolie et portant un regard averti sur les relations de pouvoir au sein des corps de police.
Police parallèle
Situé au début des années ‘80 en France, il met en scène les agents du « Boulevard Soult », une police parallèle chargée de la sureté et de la lutte anti-terroriste. Surnommés « les boiteux », ceux du boulevard Soult roulent en Alpine -une flotte plutôt décatie tant les moyens commencent à manquer- et ne doivent pas rendre de compte aux juges, ce qui les rend plutôt antipathiques aux yeux des jeunes flics de la Criminelle. Parmi eux, Maurice Perrin fait figure d’oiseau rare : ancien de la Crim’ justement, il a toujours pensé que les objectifs des deux corps se rejoignaient. Débarrassé de tout esprit de concurrence, il entretient de bonnes relations avec quelques confrères du Quai des Orfèvres, ce qui ne manque pas de gêner sa hiérarchie. Chargé d’enquêter sur les meurtres d’anciens collègues boiteux, il se voit adjoindre Louise Lassauve, une jeune recrue venue du service action. Ce qu’il ignore, c’est que Lassauve est elle-même chargée de l’espionner et de jauger à quel point il collabore avec la Crim’.
Ancienne génération
Il y avait longtemps que Maurice Perrin n’avait plus énormément de considération pour son travail. A l’image de son pote Lecornu de la Crim’, il représentait l’ancienne génération, celle de flics œuvrant à accomplir la même mission : « Perrin et lui n’avaient jamais été amis, mais ils étaient de la même génération, ce qui revenait pratiquement au même passé un certain âge. On n’assistait pas quotidiennement à l’agonie de son époque sans que cela crée des liens. Il existait un clan des vieux ». Plus abattu que Lecornu, Perrin se laissait carrément aller, il dormait mal, buvait trop, s’alimentait à la va-vite et négligeait son hygiène. Persuadé que les politiques allaient dissoudre l’agence à laquelle il appartenait, il ressentit néanmoins comme un retour de vigueur lorsqu’il constata que l’on s’en prenait à ses anciens collègues. Sous ses dehors placides et flegmatiques, il ne comptait pas bâcler cette enquête-là. Et ce n’étaient pas la détermination et les qualités de redoutable combattante de Louise Levasseur qui allaient calmer son ardeur retrouvée.
Entre espionnage et polar
Avec ce premier roman doté d’une imagerie toute personnelle, Frédéric L’Homme nous immerge au cœur d’une guerre des polices dont l’enjeu n’est rien de moins que la survie des boiteux. Rythmée par plusieurs scènes d’action plutôt crédibles, l’enquête de Perrin et Levasseur nous fera voyager dans la France citadine et rurale des années ’80, garantie sans portable ni internet. Les renseignements se glanent au coin du zinc ou par du mouillage de chemise sur le terrain. Bourru et expérimenté, Perrin semble pourtant parfois largué et l’on doute de sa capacité à mener l’affaire à son terme. Jeune et rompue aux techniques de combat, son acolyte s’imposera-t-elle comme une planche de salut ? Entre espionnage et polar, un roman attachant par son originalité, ses ambiances rétro et ses scènes d’action hyper-détaillées. Le premier d’une série ?