Blackadder, Jesse ; traduit de l’anglais (Australie) par Céline Cruickshanks
Littérature générale
Paris : 10/18, 2021, 451 pages, 8,80 € (Littérature étrangère)
🙂 🙂 🙂 Drame familial et capacité de résilience
Finn est sculpteur, mais surtout père au foyer. Son art vivote, et c’est surtout Bridget, biologiste, qui assure le ménage avec son salaire. Avec leurs deux fils, Jarrah et Toby, ils ont quitté leur Tasmanie natale pour s’installer près de Sidney. Ils souhaitaient sauver leur couple suite à une incartade de Finn avec la meilleure amie de Bridget.
Pour Jarrah, un adolescent mal dans sa peau, ce nouveau départ n’a rien changé : il est toujours victime de quolibets au lycée, et en mal d’amitiés. Il aime profondément son petit frère, âgé de 3 ans. D’un amour qui le met mal à l’aise et qu’il souhaite cacher aux yeux de ses comparses de l’école.
Alors que Finn doit honorer une commande en vue d’une exposition importante, Bridget a la garde de Toby et un drame arrive : Toby décède dans la piscine. Comment cela a-t-il pu se passer ? Qui est responsable ? D’une simple vérification administrative, l’enquête évolue : il faut faire un exemple, afin que cela ne se produise plus.
Une famille en perte de repères
Jesse Blackadder a choisi de conter cette histoire familiale selon trois voix : celle de Finn, de Bridget et de Jarrah. Les trois récits s’alternent selon un mode narratif différent : Jarrah est narrateur, Bridget s’adresse à elle-même (2è personne du singulier) et Finn bénéficie d’une narration à la troisième personne. Un choix judicieux, particulièrement pour Jarrah, dont l’état d’adolescence implique des sentiments très intériorisés.
Jarrah est aux prises avec ses propres démons. Mais alors que médias et réseaux sociaux s’emparent de l’affaire, il doute du déroulement des faits. La barrière qui protégeait l’accès à la piscine était-elle restée ouverte ? Qui l’a passée en dernier ? Qui était vraiment responsable de Toby, ce matin-là ?
Détrompez-vous : ceci n’est pas un thriller. La quête de la vérité des faits n’est pas l’essentiel. Le propos de Jesse Blackadder est plus intimiste : comment chacun des membres de cette famille touchée par le drame va-t-il appréhender le deuil ? Seul contre tous ou ensemble ? Chacun porte un secret et se retrouve face à des choix déterminants pour la suite.
Basé sur l’histoire de l’auteure
Ce roman est véritablement prenant. Chacun des personnages mérite une seconde chance, et le lecteur espère en leur capacité de résilience. Jesse Blackadder s’exprime à la fin de son récit à propos du drame qui a touché sa propre famille, alors qu’elle était âgée de 12 ans. Enseignante en écriture narrative, elle a su prendre la distance suffisante pour transmettre ce livre qu’elle portait en elle depuis longtemps, et lui insuffler une profondeur indéniable.
Également journaliste, scénariste et romancière, l’auteure australienne est décédée en 2020. « Quelques secondes d’inattention » est son premier roman traduit en français.