Denfeld, Rene; traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre Bondil
Policier & Thriller
Paris : Rivages, 2020, 365 pages, 9 € (Rivages/noir)
🙂 🙂 La femme qui retrouve les enfants
Trois ans plus tôt, la gamine était partie avec ses parents pour couper un sapin de Noël dans la forêt toute proche. Dans cette région de l’Oregon, la pratique était habituelle, et personne ne s’équipait particulièrement contre le froid pour l’occasion. Madison Culver ne portait donc ni chaussures de marche ni manteau de randonnée. Lorsqu’elle avait échappé à la vigilance de ses parents, les recherches avaient très rapidement été organisées parce que, tant la police que le garde-forestier savaient son temps de survie dans le froid et la neige très limité. Mais celles-ci n’avaient rien donné, Madison s’était volatilisée.
Retour au pays
Accrochés comme des naufragés à l’espoir de retrouver leur fille, les parents finissent par prendre contact avec une enquêtrice privée, Naomi, « la femme qui retrouve les enfants », originaire de l’Oregon elle aussi. Jeune et elle-même victime d’enlèvement dans son enfance, Naomi a déjà plusieurs affaires à son actif. Dès sa première rencontre avec les parents et après avoir pris connaissance du dossier, elle « sent » quelque chose, comme une promesse d’un dénouement positif : « Parfois, il n’y avait pas d’enfant au terme du voyage, seulement un souvenir. Elle ne voulait pas qu’il en aille ainsi pour les Culver […]. Il n’y avait rien de pire que de ne pas avoir de réponse».
Pour Naomi, le retour au pays ne s’effectue pas sans conséquence. L’enquête qu’elle mène pour retrouver Madison va faire remonter ses propres souvenirs, les quelques-uns d’avant son enlèvement -hormis son prénom, elle ne se rappelle que d’avoir vécu avec des monstres- et surtout ceux de la vie heureuse qu’elle mena dans sa famille d’adoption. Des rêves, déjà récurrents auparavant, vont se trouver amplifiés et elle tentera d’y déceler plus distinctement un lien avec sa séquestration.
Nouvelle série prometteuse
Avec « La fille de la neige », Rene Denfeld pose la première pierre d’une nouvelle série centrée sur le personnage de Naomi et sur sa spécialité, peu commune il est vrai. L’enquêtrice nous est présentée par petites touches et plus précisément via ses actions, ses sentiments et ses propres souvenirs. Plutôt solitaire, taiseuse et discrète, elle pense n’avoir « de valeur que celle des enfants qu’elle retrouve ». Sa vie privée et sentimentale passe largement après ses enquêtes, qu’elle entend mener en immersion complète, sans se priver de recourir aux autochtones, mais sans jamais les laisser lui dicter sa conduite. Touchante par son indépendance et sa détermination, Naomi force progressivement l’adhésion au fil d’un récit qui mêle habilement plusieurs enquêtes : celles sur les enfants disparus et celle sur son propre passé, qui tiendra probablement lieu de fil rouge dans les volumes suivants.
Avocate spécialisée dans les disparitions d’enfants et elle-même mère adoptive, Rene Denfeld sait visiblement de quoi elle parle. Son style se révèle fluide, imagé et organique lorsqu’elle s’attache à la nature environnante et à la profondeur des êtres humains. Si l’on devine assez aisément le dénouement des enquêtes, l’on reste agréablement captif de ce nouvel univers, où infinie tristesse et espérance en des jours meilleurs se côtoient avec justesse. Une belle réussite, une nouvelle série, originale et prometteuse.