Ancien policier à la réputation de redresseur de torts, Melchor Marin est à présent bibliothécaire à Terra Alta. Sa fille, Cosette, s’est récemment rendue compte que Melchor lui avait caché des faits importants sur la mort de sa mère intervenue des années plus tôt dans des circonstances violentes. Histoire de prendre du temps pour réfléchir, elle s’envole quelques jours pour Majorque avec une amie. Lorsque l’amie rentre seule de leur séjour, Melchor décide de laisser encore un peu de temps à Cosette et de ne pas la harceler. Mais lorsqu’il perd tout contact avec elle, son instinct de policier et ses tripes de père l’incitent à embarquer dans le premier avion pour Majorque. Sur place, il s’adresse directement à la Guardia Civil, et constate rapidement que celle-ci n’a pas fait grand-chose pour retrouver Cosette.
Une voix indignée
Ce « Château de Barbe-Bleue » est le troisième et dernier tome d’une trilogie entamée avec « Terra Alta » (2021) et poursuivie avec « Indépendance » (2022), autant d’histoires que nous n’avions pas lues, ce qui ne nous ont pas empêché de très vite nous immerger complètement dans cette nouvelle intrigue. On comprend que dans les deux premiers tomes, Melchor, personnage principal au caractère de prime abord réservé mais que l’on découvre pétri par un sens aigu de la justice qui le pousse parfois à endosser -comme son modèle Jean Valjean- les habits du justicier sans peur, on comprend vite donc que Melchor était policier, fonction qu’il a dû abandonner après une sombre affaire dans laquelle des membres de sa propre famille furent impliqués. S’il a, depuis, conservé quelques amis dans la police -qui vont lui apporter leur précieuse aide dans la recherche de sa fille- il s’y est également fait de sérieuses inimités. Sous la plume de Javier Cercas, c’est une frange de la police et du corps de la justice espagnoles corrompues, aux ordres de puissants hommes d’affaires, que nous découvrons. C’est aussi une voix indignée, celle de l’auteur, qui s’élève contre les violences impunies faites aux femmes. Il y a un réjouissant petit air des trois premiers tomes de « Millenium » ici : l’aspect journalistique en moins, on est bien aux côtés de personnages qui, devant l’immobilisme de la justice officielle, vont rendre justice eux-mêmes. S’il pose un constat certes amer, Cercas le place dans le cadre d’une sacrée bonne intrigue, aux personnages solides et qui, sans effet de manche, sans violence excessive ou scènes d’action tonitruantes, nous tient en haleine jusqu’au bout, et nous donne sérieusement envie de découvrir ses deux premiers tomes. Recommandé !