New Iberia Blues

Burke, James Lee ; traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Christophe Mercier
Policier & Thriller
Paris : Payot & Rivages, 2020, 554, 23.50 € (Rivages Noir)

🙂 🙂 🙂 Le tarot du crime

A quelques kilomètres de la Paroisse de New Iberia, là où Dave Robicheaux officie en tant qu’enquêteur du bureau du shérif, l’océan a craquelé la côte en baies, anses et avancées rocheuses. C’est sur l’une de ces avancées, à Cypremort Point, que le réalisateur Desmond Cormier a fait construire une splendide villa surplombant Vermillon Bay. Lui rendant une visite amicale, Robicheaux ne peut s’empêcher de jeter un œil au travers du télescope de Cormier. La vision qui s’offre à lui le hantera longtemps : sur une des rochers battus par les vagues, il aperçoit le corps d’une femme attachée à une croix. Première d’une longue série de morts violentes, toutes mises en scène selon les cartes du tarot, et qui vont entacher l’actualité de la région.

Retour au pays

Comme toujours chez James Lee Burke, l’enquête s’annonce complexe, dense et touffue. Malgré tout, des éléments de scénario de structure récurrents ne manqueront pas d’insuffler au lecteur un agréable sentiment de retour au pays. Ainsi de Desmond Cormier, le célèbre réalisateur hollywoodien, entouré de deux amis pour le moins louches, dont un ne tardera pas à essayer de séduire Alafair, la fille de Dave. Ces trois-là s’imposent en tant que personnages emblématiques de l’univers burkien : hommes d’affaires, descendants des riches propriétaires de plantations blancs et esclavagistes, bourgeois puissants et riches ayant le tort de se croire au-dessus des lois. Robicheaux se trouve régulièrement confronté à eux, parce que, sous leurs dehors policés et lisses, se cachent souvent des êtres brutaux, abusant des plus faibles sans vergogne et capables de s’abîmer dans les pires travers humains pour leur seul plaisir. C’est comme si Dave était doté d’un 6e sens pour les repérer mais cette fois, le personnage de Cormier -parce que Dave l’a connu enfant et qu’il sait à quel point ce dernier a dû lutter pour en arriver là où il est- ne lui inspire aucune méfiance, aussi riche et puissant soit-il. Pour lui ouvrir les yeux, Dave peut compter sur Clete Purcell, ami de toujoursavec qui il patrouillait dans sa jeunesse le long des quartiers chauds de la Nouvelle Orléans. Homme de tous les excès, jouisseur et force de la nature, Clete n’est plus policier mais à chaque fois, il se retrouve mêlé aux enquêtes de Dave, comme une ombre tantôt protectrice, tantôt dangereuse.

Culpabilité catholique

En plus de Purcell pour l’aider dans ses recherches, Dave se voit adjoindre une nouvelle enquêtrice : Bailey Ribbons, jeune, sans expérience et dont la beauté physique trouble tous les hommes qui la rencontrent, à commencer par Dave et par Cormier. Tourmenté par l’attirance qu’il éprouve pour son adjointe, Dave voit remonter en lui sa vieille culpabilité catholique et sa propension à « assumer le fardeau des autres et à refuser de l’admettre ». « Arrête de te crucifier mon noble ami » lui assène un Purcell lassé de voir son meilleur pote incapable de se débarrasser de son passé et des morts qui l’accompagnent au quotidien. Car Dave, en bon Louisianais, est imprégné de la magie, de la mythologie et de l’histoire de son pays, et il n’est pas rare qu’il ait des visions de soldats confédérés ou de ses parents morts depuis des années dans ses moments les plus difficiles.

Immersion complète

Avec « New Iberia Blues », James Lee Burke nous offre une de ces plongées en Louisiane profonde dont il a le secret. S’il possède un don unique pour rendre des ambiances de pluie, d’arbres dont les racines plongent dans le bayou ou de pontons écrasés sous la canicule, Burke brille tout autant par ses portraits d’hommes droits et plein de doutes, qui assument leur part de violence lorsqu’ils se retrouvent confrontés à la noirceur et au mal absolu. En ce sens, par son habilité à nous immerger entièrement dans son univers louisianais empreint d’amitié, de sorcellerie et de rudesse, Burke s’inscrit selon nous dans la crème du polar noir.
Nicolas Fanuel

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