Rivages

Guillemin, Gauthier
Fantasy
Paris : Albin Michel, 2019, 249 pages, 18.90 €

🙂 :Fantasy sylvestre

Dans un futur indéterminé, la Nature, fatiguée d’être sans cesse martyrisée par l’Homme, se rebelle. Par une lente mais inexorable reprise du pouvoir, les forêts s’étendent à nouveau, poussant les humains assiégés à se réfugier dans quelques îlots urbains qui résistent tant bien que mal aux assauts sylvestres.
Dans une de ces dernières cités, gangrenée par la surpopulation et la pollution, un homme, le Voyageur, décide de quitter la ville et de s’enfoncer, au mépris du danger, dans la forêt redoutée. Loin d’y trouver une mort pourtant annoncée, les bois l’accueillent et il se découvre rapidement un pouvoir, celui de voyager à travers les troncs de certains arbres et ainsi parcourir des distances phénoménales en quelques minutes. Tombé sur un village isolé, il rencontrera Sylve, membre du peuple des Ondins avec laquelle il formera rapidement un couple. D’échanges en échanges, il découvrira son histoire et celle de son peuple qui, comme son nom le laisse penser, serait issu d’une légendaire mer. Mais existe-t-elle vraiment ?

Albin Michel Imaginaire

Menée jusqu’à présent sans réelle fausse note par Gilles Dumay, la nouvelle collection Albin Michel Imaginaire vient de fêter sa première année d’existence. Courageuse et originale, elle a déjà publié 14 livres dont quelques pépites à ne pas manquer comme le très « kingien » American Elsewhere de Robert Jackson Bennett ou encore l’angoissant thriller S-F Terminus de Tom Sweterlitsch. Premiers romans, auteurs français, textes originaux et enthousiasmants (Les étoiles sont légion de Kameron Hurley!), voilà une collection à suivre de très près. C’est avec une proposition assez étonnante, Rivages, première publication de Gauthier Guillemin, que se clôt cette année 2019.

Texte aux frontières

Étrange texte que ce Rivages donc. Alors qu’il s’ouvre comme un roman post-apocalyptique où la Nature aurait repris son emprise (et l’on pense directement au très beau roman de Christian Charrière, La forêt d’Iscambe), le récit dévie rapidement vers une méditation contemplative où l’action est presque bannie. L’auteur étouffe ainsi rapidement les quelques éléments qui auraient pu faire basculer l’ensemble dans une aventure plus épique pour se consacrer essentiellement à la description du mode de vie et des légendes qui entourent les peuples de la forêt. En découle une œuvre qui, si elle ne manque pas de charme (et de quelques accents un peu conservateurs qui ne sont pas sans rappeler ceux des textes de Tolkien à qui l’auteur emprunte beaucoup), se perd parfois à embrasser trop large. Thématiques à peine esquissées (l’opposition entre Ville et Nature) et éléments d’intrigues avortés (la menace des guerriers aux tatouages runiques, pourtant longuement préparée, au regard de la taille de l’œuvre, n’aboutit pas vraiment), Rivages aurait peut-être mérité d’être mieux ajusté.

Manque de substance

En reste le récit d’une quête initiatique menée par un héros aux étranges pouvoirs qui plaira avant tout aux amateurs de textes oniriques aux accents nostalgiques. Plaidoyer sincère mais un peu creux en faveur de l’imagination, l’histoire prend une réelle ampleur dans les tous derniers chapitres et entrouvre les portes d’une belle réflexion autour de la mémoire et du prix à payer pour rester fidèle à ses rêves. Un second tome est annoncé, espérons qu’il approfondira cette voie.
Nicolas Stetenfeld

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