Rue Mexico

Buchholz, Simone ; traduit de l’allemand par Claudine Layre
Policier & Thriller
Nantes : L’Atalante, 2023, 256 pages, 19.90 €

🙂 🙂 Incursion dans le polar made in Germany

Trafic en tous genres (drogue, êtres humains, armes), argent facile, violence extrême : un portrait au couteau pour caractériser les activités du clan Saroukhan, une famille qui règne sans partage sur la pègre de Brême. À plus de 100 km de là, à Hambourg, le corps d’un des fils du clan, Nouri, est retrouvé dans une voiture en feu. Les voitures en feu, c’est un phénomène généralisé dans toute l’Europe en cette fin des années 2010, mais à Hambourg, il prend une ampleur inquiétante. Désœuvrée depuis quelques temps, la procureure Chastity Riley se voit attribuer l’affaire Nouri : celui-ci, en disgrâce au sein de sa famille, aurait-il été assassiné sur son ordre, ou sa mort aurait-elle un lien avec la compagnie d’assurance pour laquelle il travaillait et qui brasse des sommes faramineuses ? En grattant un peu la vie du clan et celle de Nouri à Brême, Chastity et son équipe d’enquêteurs emmenée par Ivo Stepanovic, son acolyte habituel, se rendent compte qu’une troisième piste mérite peut-être d’être creusée : celle d’un amour contrarié.
Parasites de la société
Dû à la plume de Simone Buccholz, une autrice allemande née en 1972, « Rue Mexico » est le troisième épisode des enquêtes de Chastity Riley traduit en français, tous publiés chez L’Atalante. Chastity, un prénom peu commun et une procureure atypique : jeune, de prime abord distante et taiseuse, mais dotée d’un regard acéré et ultra-réaliste sur ses contemporains et sur la société en général. Profonde, elle teint ses réflexions d’un humour ironique, voire noir ; il lui arrive aussi de verser dans un certain lyrisme étonnant, presque poétique. Face au clan Saroukhan, dont l’autrice nous dresse le portrait parfaitement effrayant d’une pègre aux méthodes d’une cruauté extrême, qui n’a aucune considération pour l’être humain dans son individualité -seule la famille compte- et qui n’hésite pas à recourir à l’élimination pure et simple de ses propres membres si nécessaire, face à ce clan qui vit en parasite de la société, avec ses propres lois et ses propres juges, face à ce clan qui ne lui reconnaît aucune autorité, Chastity tente juste de bien faire son boulot. Elle ne remettra pas la société allemande sur les rails, elle voit bien que tout déconne, elle se dit juste que plutôt que de se demander qui met le feu aux bagnoles, les politiques devraient tenter de comprendre pourquoi des voitures flambent la nuit. Mais elle garde ce genre de pensées pour elle.
Un polar caractérisé par une intrigue et une écriture sèches, directes et sans fioriture. On va à l’essentiel : les événements et les réactions des enquêteurs s’enchaînent quasi sans temps mort, c’est logique et ultra-réaliste et ça nous force à parfois plonger en apnée dans une criminalité et un mode de vie qu’on préférerait ne pas connaître.
Une incursion dans le polar made in Germany, éclairante tant dans le style romanesque (on est plus proches d’un polar à la belge que d’un roman américain ou anglais) que dans le type de criminalité abordée (là aussi, on pense plus à des séries télés belgo-néerlandaises telles que la formidable « Undercover » qu’à une production américaine). Très bien !
Nicolas Fanuel

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