Leroy, Jérôme
Policier & Thriller
Paris : La Manufacture des livres, 2025, 189 pages, 12.90 €

🙂 🙂 🙂 La petite amoureuse

Francesca Crommelynck a vingt ans. Avant, elle était amoureuse de Jugurtha Aït-Ahmed, un gamin de son âge et qui fréquentait la même école qu’elle depuis l’enfance. On est dans le Nord de la France, du côté de Frise et de Dunkerque, et les deux familles sont assez représentatives du paysage politique local : celle de Jugurtha est communiste et celle de Francesca se dit libertarienne, une manière comme une autre de ne pas se dire fasciste. Francesca, pour sa part, ne le cache pas. Elle adhère aux « Lions des Flandres », une bande de casseurs spécialisée dans les coups faciles, du genre on enfile des tenues de combat et on va casser quelques gueules chez les antifas quand ceux-ci sont moins nombreux et partiellement éméchés. Mais Jugurtha n’est plus là et c’est ce « plus là » que Francesca ne digère pas. Elle va nous en raconter les circonstances alors qu’autour d’elle, la France se délite et sombre dans une violence généralisée. De plus, le pays approche d’élections législatives anticipées, auxquelles compte se re-présenter Patrick Bonneval, un député d’une cinquantaine d’années, fatigué de la politique et de la vie de couple, et qui se demande vraiment ce qu’il fout dans cette panade.

Une réjouissante continuité

Pour entamer sa nouvelle collection de courts textes noirs intitulée « La Manuf’ », l’éditeur « La Manufacture des Livres » a donc fait appel, aux côtés d’autres auteurs chevronnés, à Jérôme Leroy, un fidèle de la maison dont on retrouve ici -et avec plaisir- les marques d’un univers tout personnel. La France en déliquescence, l’effondrement, la montée du fascisme : autant de thématiques qu’il a déjà explorées, notamment dans « Le Bloc » et « L’Ange gardien », deux romans emblématiques dans lesquels il « imaginait » l’irrépressible ascension d’un parti fasciste en France. On retrouve d’ailleurs certains personnages de ces deux textes dans « La petite fasciste », l’auteur ayant toujours cultivé une réjouissante continuité au travers de ses différentes publications. Avec les trajectoires -qui finiront par se rejoindre évidemment- de Francesca et de Patrick Bonneval, Leroy nous plonge dans une France probable (et plutôt proche que lointaine) : ce n’est pas la grosse catastrophe, c’est juste l’irresponsabilité politique qui domine et le bordel généralisé qui en découle. On n’est pas dans un film catastrophe, on est juste, oui, dans une sorte de lent effondrement au milieu duquel des personnages comme vous et moi, c’est-à-dire pas monolithiques ou héroïques, mais plein de contradictions et un peu paumés, voient apparaître quelque chose qui leur semblait hors de portée et qui va, pour un temps seulement, ils le savent bien, rendre leur vie plus vivable : l’amour. Une intrigue dans laquelle on se laisse doucement couler, comme si, voyant arriver la vague qui nous emportera, on décidait de ne pas fuir et de profiter des dernières traces d’élégance encore visibles.
Nicolas Fanuel

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Fill out this field
Fill out this field
Veuillez saisir une adresse de messagerie valide.
You need to agree with the terms to proceed