Dubeau, J.-F. ; traduit de l’anglais (Canada) par Benoît Domis
Fantastique
Paris : Bragelonne, 2020, 414 pages, 18.90 €
🙁 La bête dans la remise
Comme une odeur de soufre
Entre Stephen King et « Stranger things » clame la couverture de ce livre, sous une illustration adéquate, qui installe une atmosphère pesante, où la peur occupe une place prépondérante.
Et, en effet, l’auteur nous emmène dans une bourgade du Québec, Saint-Ferdinand, qui a tout des petites localités urbaines chères au Maître de Bangor. Là-bas sévit un tueur en série mais peut-être n’est-il pas le problème numéro un qui devrait inquiéter la population. Forte d’un passé où se mêle rites sataniques, communautés sectaires et secrets enfouis bien profonds, Saint-Ferdinand abrite également une entité mystérieuse, que d’aucuns associent à un Dieu, et qui aimerait se livrer à une kyrielle de meurtres sanguinolents et pervers. Oui mais voilà, le Dieu est prisonnier dans une remise de jardin. Et, grâce à la présence d’une caméra qui le filme H24, la créature n’est pas en mesure de bouger ou de se déplacer. Un peu comme si la caméra agissait comme un œil qui tétaniserait l’entité… Drôle de Dieu, fébrile et très loin d’être omnipotent. Il n’a cependant de cesse d’essayer de gagner la confiance de quelques adolescents, leur demandant de le libérer, contre la promesse de merveilles. N’a-t-il pas ressuscité le chat de Vénus ? Bon, certes, il est à présent privé de pelage mais cela n’en reste pas moins un prodige ?
Si les adolescents veulent avant tout se montrer prudents envers le Dieu caché, d’autres personnes, des adultes appartenant à une communauté occulte mais aussi les résidents d’un cirque ambulant, alimentent des désirs de possession et de contrôle sur l’entité.
Alors que la découverte de cadavres, imputés au tueur en série local, défraie la chronique et met sur les dents la police, le combat du mal contre…le mal prend de l’ampleur et risque bien de balayer la vie des habitants du village.
Comme une odeur de pétard mouillé
Vous est-il déjà arrivé de lire un livre, avec attention, et pourtant de vous rendre compte que vous ne parvenez pas à retenir le défilement des événements, de vous questionner presque tout du long sur l’existence d’un réel fil rouge qui noue l’ensemble du récit ? C’est malheureusement ce que j’ai ressenti à la lecture de ce roman qui semblait prometteur à de nombreux indices (Stephen King, Stranger Things, Lovecraft et quelques scènes émotivement douloureuses) mais qui se délaie à outrance, multiplie les personnages sans jamais dépasser la caricature et n’arrive pas à soutenir une tension, pourtant capitale dans ce genre littéraire.
L’inspiration de Dubeau est intéressante, mais c’est la construction de son histoire qui fait défaut et incite le lecteur à décrocher assez rapidement. On aurait aimé en savoir plus sur l’origine du « monstre » et sur l’implication de la communauté sectaire et du cirque qui veulent en prendre le contrôle, histoire de densifier le propos et de baser l’intrigue sur des bases plus solides. Quant aux personnages, décider lesquels endossent les premiers rôles et fouiller un peu plus leur psychologie aurait pu amener davantage d’empathie.
Seconde chance
Comme les auteurs capables de rivaliser avec le grand Stephen ne sont pas légion (son fils, Joe Hill vient encore de monter d’un cran dans la qualité avec son recueil « Le carrousel infernal »), on ne tirera pas à boulets rouges sur cet écrivain québécois mais anglophone. La lecture d’un autre de ses romans aura valeur de constat.