Toujours sous couvert d’un emploi de cadre d’entreprise, le Tueur poursuit la mission assignée par la DGSE (on vous en a parlé dans notre chronique du tome 2) : en gros, nettoyer la ville du Havre des divers éléments qui perturbent la tranquillité de ses habitants. On parle ici de trafiquants d’armes, d’islamistes prêchant clandestinement la lutte armée et…d’un maire aux méthodes peu orthodoxes, surtout quand il prétend accéder à un poste de ministre. Des renseignements fournis par l’agence, il semble de plus en plus évident que des liens existent entre les trafiquants, les islamistes et le maire, liens qui, s’ils étaient révélés, éclabousseraient la classe politique nationale. Il semble bien que ce que l’agence attende du Tueur, c’est qu’il revienne à ses fondamentaux.
Du recul, toujours du recul
Troisième et dernier volet de ce nouveau cycle, « Variable d’ajustement » enfonce le clou planté dans les deux premiers : celui des liens entre grand banditisme et politiques, celui des usines à gaz du monde de l’entreprise, de la violence intrinsèque à l’humanité, de la cupidité et de la soif de pouvoir. Entre autres. S’il est globalement d’accord avec le constat posé par ses supérieurs et ses collègues (en gros, le maire va trop loin), le Tueur continue à penser que « ce qui compte c’est le nouveau contrat », et « qu’il ne faut pas se laisser distraire ou dominer par ses émotions ». Du recul donc, toujours. Des constats où l’ironie élégante se marie à un cynisme assumé, et qui le conduisent logiquement à maintenir le cap, à ne pas se remettre en cause perpétuellement et à faire le job, celui qu’on lui a attribué, celui pour lequel il est doué : « il y a toujours eu et il y aura toujours des décisions difficiles, déplaisantes à prendre, du sale boulot à faire, pour que les braves gens puissent dormir sur les deux oreilles… ».
Une œuvre sombre et désenchantée
Du sale boulot, les auteurs, Matz et Jacamon n’en font pas. Entamée en 1998, leur série n’a rien perdu de sa puissance d’évocation : l’alliance qu’ils proposent entre des scénarios passionnants, romanesques et sous tension, et un dessin réaliste, tantôt glaçant, tantôt chaleureux, fait mouche à tous les coups. En prise constante avec l’actualité, ce parcours d’un tueur professionnel dresse rien de moins qu’un portrait mouvant et dépourvu d’œillères sur notre époque, et sur les différents types d’humains qui l’habitent. Sans concession, sombre et désenchantée, on touche là à une œuvre à portée quasi universelle et au charme de laquelle tout amateur de polar devrait succomber.