Doit-on vraiment présenter l’auteur ? Quelqu’un ignore-t-il encore qui est Bernard Minier ? L’auteur fait la joie des amateurs de thrillers policiers enlevés depuis son premier roman, « Glacé », en 2011, qui inaugurait la série consacrée au commandant Martin Servas. Il rivalise aujourd’hui avec d’autres grands noms contemporains tels que Frank Thilliez, Nicolas Beuglet, Olivier Norek ou Niko Tackian.
Si la plupart de ces auteurs aiment se cantonner dans leur genre de prédilection – citons, par exception, le dernier Norek qui appartient au roman historique – Bernard Minier reconnaît volontiers qu’il est féru de beaucoup de domaines d’inspiration littéraire et qu’il aime écrire au gré de ses fantaisies.
Le recueil de nouvelles qu’il présente aujourd’hui constitue une illustration éclatante du terreau disparate et complexed’où il tire ses histoires.
Un recommencement, à chaque fois
15 nouvelles, toutes différentes, toutes intéressantes d’emblée, qui invitent à une lecture délicieusement curieuse. La première, Tourisme macabre, frappe fort, imaginant un groupe de jeunes à la recherche de vacances dans des endroits à la réputation macabre ou qui leur permettent de rencontrer de véritables monstres, responsables de massacres et autres horreurs. Le ton du recueil est donné : l’originalité du propos. Ainsi, cette folie meurtrière qui colle à la peau d’enfants successivement adoptés par des familles d’accueil au destin immuablement tragique ; un par un cette jeune femme persuadée d’être persécutée par une bande de chats de plus en plus nombreux mais qu’elle est la seule à voir ; la rencontre de soldats engagés en Irak avec une milice dont la nature n’est pas tout à fait humaine ; l’énigme posée par deux nouvelles présentées à un concours littéraire, par des auteurs qui ne peuvent pas se connaître, qui ne diffèrent que par un seul mot… Minier sait installer le malaise, l’angoisse, la peur. Il nous emmène, même dans ses récits moins orientés vers un fantastique frontal (« Le secret de l’abbé Darcy », récit écrit dans le style d’antan ou « L’échange ou les horreurs de la guerre », chasse au pilote d’avion de guerre) sur le fil d’une réalité tangible gangrenée par l’indicible, l’insondable, la frontière entre le réalisme et l’improbable.
La marque d’un grand faiseur
Les meilleurs auteurs de nouvelles savent qu’ils n’ont pas droit à l’erreur. Ils doivent convaincre, rapidement et manier la brièveté efficace. Pour en connaître les rouages théoriques – et pratiquer un peu – la nouvelle est un art à part entière. La qualité des textes rassemblés ici est réellement enthousiasmante, à tel point que je dois avouer une préférence pour cet opus, publié directement en édition de poche, par rapport aux romans dont la longueur légitime et la tension maintenue sotto voce amoindrissent l’effet coup de poing ressenti pleinement grâce à ces textes courts.
Écrites sur une longue période (certains textes datent d’avant « Glacé »), les nouvelles de Bernard Minier offrent toute une gamme d’émotions et élargissent la palette artistique d’un auteur que l’on prendra encore plus plaisir à suivre, partout là où son inspiration multiforme voudra bien nous emmener.