Le 31 janvier 1907, Marthe Erbeling, une gamine d’une dizaine d’années, disparaît à Paris. Quelques jours plus tard, Solleiland, un ami de la famille, avoue le crime et indique à la police où trouver le corps.
En ville, c’est l’ère des « grands journaux » vendus en rue par les fameux « crieurs » chargés d’appâter le chaland. Parmi les nombreux journalistes chargés de l’affaire, nous suivons Valentin, tout jeune marié et qui s’apprêtait à partir en voyage de noces. Mais, devant la « gravité » de l’affaire, son patron le supplie de rester dans la capitale encore quelques jours. Il faut dire que la concurrence est rude et que, face au battage médiatique, l’opinion publique parisienne s’enflamme. En toile de fond : la volonté du Président de la République, Armand Fallières, d’abolir la peine de mort.
Des faits divers montés en épingle
Avec cet album frappé du sceau de l’authenticité (il est publié en collaboration avec les éditions de La Découverte), Sylvain Venayre (scénario) et Hugues Micol (dessin) prennent appui sur une histoire vraie, l’affaire « Soleilland », pour montrer comment une certaine presse, en montant en épingle les aspects les plus effrayants des faits divers, tente d’augmenter ses chiffres de vente et, par ricochet, accroît le sentiment d’insécurité dans la population. Le cadre de l’époque -aussi bien politique avec l’affaire Dreyfus, que culturel avec l’arrivée des premiers romans policiers- est parfaitement rendu, de même que sont bien expliqués la montée en puissance de la presse à sensation et le rôle qu’elle joue dans le façonnement de l’opinion publique. On apprend beaucoup de choses donc (et parfois de très étonnantes, comme l’exposition, encore en vigueur à l’époque, des cadavres de la morgue dans une vitrine visible de tous, et véritable but de promenade pour les parisiens en mal de sensations fortes). La force du scénario réside dans l’inclusion des éléments factuels, quasiment instructifs, au cœur de l’intrigue, principalement dans les dialogues entre les différents personnages. Et ça fonctionne plutôt bien, on ne s’ennuie pas une minute, accrochés que nous sommes par les personnages attachants et leurs rôles respectifs dans la conclusion de l’affaire, ainsi que par les divers éléments informatifs savamment distillés tout au long du récit. Une belle réussite scénaristiquedonc, soutenue par le dessin très « peinture réaliste aux tons pastels » de Hugues Micol. Bravo !